La notion d'avis a aujourd'hui un poids très fort dans le domaine du commerce électronique. Dans ce cadre, de nombreux tentatives de "faux avis" se sont développées pour discréditer une marque, un produit ou une personne. Mais l'arsenal juridique existe pour lutter contre ce type de pratiques. Voici en détail comment faire si cela vous arrive un jour...

Par Alexandre Diehl


Depuis les premières années du commerce électronique, les avis ont eu une importance certaine pour la crédibilité d'un service ou bien vendu. De nombreux faux avis sont apparus concomitamment et ont remis en doute la pertinence des avis et même des sites marchands. Les législateurs ont alors réagi pour encadrer les avis. C'est ainsi qu'existe aujourd'hui un régime juridique cohérent qui permet de combattre les faux avis, de réagir en cas de mauvais avis ou de faire disparaitre des avis illicites.

Le régime des faux avis

Les avis en ligne occupent une place importante dans les processus d'achat en ligne.

Selon une étude réalisée en 2014 par PriceMinister-Rakuten et La Poste, 74 % des internautes auraient déjà renoncé à acheter un produit à cause de commentaires ou d'avis négatifs, et 41 % d'entre eux auraient déjà réalisé un achat spontané à la suite d'un avis positif. Plus récemment, une étude réalisée par la Fevad/Médiamétrie /NetRatings en septembre 2016 établit que 49 % d'internautes auraient recherché des avis de consommateur pour choisir un produit ou un site et que 51 % d'entre eux auraient donné une note ou un commentaire sur un produit acheté sur Internet.

Du fait de l'importance de ces avis consommateurs, sont apparues certaines pratiques tels que le "caviardage" d'avis, la suppression de messages négatifs et la publication de faux avis (soit des critiques ou commentaires positifs publiés soit par le professionnel ou par un prestataire spécialisé en référencement agissant pour le compte de l'entreprise, soit des critiques ou commentaires négatifs provenant de concurrents ou de prestataires spécialisés agissant pour les concurrents). Ainsi, la DGCCRF indique que 35% des 60 entreprises contrôlées en 2017 lors des enquêtes relatives aux avis en ligne présentaient une non-conformité. Les consommateurs peuvent donc légitimement se montrer plus méfiants vis-à-vis de la véracité de ces avis.

Depuis 2013, la norme AFNOR NF Z 74-501 encadre le processus de collecte, de modération et de restitution des avis en ligne, et impose des principes de transparence et de rapidité du traitement des avis. Plus spécifiquement, elle pose des règles relatives à la collecte, la modération et la restitution des avis. En ce qui concerne la collecte, il faut identifier l'auteur de l'avis et obtenir son engagement qu'il a vécu l'expérience de consommation pour laquelle il va déposer un avis ; en outre, la norme interdit l'achat d'avis en ligne. S'agissant de la modération des avis, il est exigé que les modalités de modérations soient indiquées dans les CGU, et que les délais de modération soient rapides. Enfin concernant, la restitution des avis, la norme AFNOR requiert que le plus récent soit affiché en premier et que les commentaires soient affichés dans leur globalité.

Néanmoins et malheureusement, cette norme est d'application volontaire et facultative.

Le législateur a donc décidé d'instaurer des règles contraignantes sur les avis en ligne afin de lutter contre les faux commentaires et protéger les consommateurs. En conséquence, l'article 52 de la Loi pour une République Numérique du 7 octobre 2016 a créé un nouvel article L. 111-7-2 dans le code de la consommation régissant spécialement cette question. Le décret n° 2017-1436 du 29 septembre 2017 est venu fixer les modalités et le contenu des obligations d'information relatives aux avis en ligne des consommateurs. Il est entré en vigueur au 1er janvier 2018.

Désormais, l'article L. 111-7-2 du code de la consommation prévoit que « toute personne physique ou morale dont l'activité consiste, à titre principal ou accessoire, à collecter, à modérer ou à diffuser des avis en ligne provenant de consommateurs est tenue de délivrer aux utilisateurs une information loyale, claire et transparente sur les modalités de publication et de traitement des avis mis en ligne ». L'avis en ligne est défini à l'article D. 111-16 du code de la consommation comme « l'expression de l'opinion d'un consommateur sur son expérience de consommation grâce à tout élément d'appréciation, qu'il soit qualitatif ou quantitatif », étant précisé que « l'expérience de consommation » n'est pas subordonnée à l'achat effectif du bien ou service concerné. Sont exclus de la catégorie des avis en ligne les parrainages d'utilisateurs, les recommandations par des utilisateurs d'avis en ligne, ainsi que les avis d'experts.

En plus des obligations déjà à leur charge, par exemple au titre du RGPD, les opérateurs traitant des avis en ligne se voient imposer deux obligations d'information spécifiques (articles D. 117 et D. 118 du code de la consommation) :

  • Il faut d'une part préciser, à proximité des avis :
    • l'existence ou non d'une procédure de contrôle des avis ;
    • la date de publication de chaque avis, et celle de l'expérience de consommation concernée par l'avis ;
    • les critères de classement des avis (par exemple classement chronologique).
  • Il faut d'autre part prévoir une rubrique spécifique et facilement accessible, qui doit indiquer :
    • l'existence ou non de contrepartie fournie en échange du dépôt d'avis ;
    • le délai maximum de publication et de conservation d'un avis.

Si l'opérateur effectue un contrôle des avis, il doit en outre fournir dans cette rubrique spécifique des informations sur :

  • les caractéristiques principales du contrôle des avis au moment de leur collecte, de leur modération ou de leur diffusion ;
  • la possibilité, le cas échéant, de contacter le consommateur auteur de l'avis ;
  • la possibilité ou non de modifier un avis et, le cas échéant, les modalités de modification de l'avis ;
  • les motifs justifiant un refus de publication de l'avis.

Lorsque l'opérateur refuse de publier un avis, il doit également informer son auteur des motifs de refus par tout moyen approprié (article D. 111-19).

L'article L. 111-7-2 du code de la consommation requiert la mise en place d'une « fonctionnalité gratuite permettant aux responsables des produits ou des services faisant l'objet d'un avis en ligne de signaler à l'opérateur un doute sur l'authenticité de cet avis, à condition que ce signalement soit motivé ».

La norme AFNOR impose par ailleurs aux entreprises l'ayant adoptée de permettre à l'entreprise évaluée de répondre à l'avis gratuitement et d'afficher ce droit de réponse à la suite de l'avis. Le traitement des demandes de droit de réponse doit être réalisé en priorité par rapport au traitement des autres avis.

En cas d'avis négatif déposé à l'encontre des produits ou services d'une entreprise, la diffamation ne peut être invoquée : la jurisprudence estime que ne peuvent être sanctionnées sur ce fondement « les appréciations, même excessives, touchant les produits, les services ou les prestations d'une entreprise industrielle ou commerciale » (Cass. Crim. 10 septembre 2013, n° 11-86311). En revanche, les infractions de diffamation ou d'injure publique peuvent être constituées en présence d'avis qui stigmatiseraient une personne en particulier, comme par exemple le gérant d'un hôtel.

Les avis dépréciatifs sur des produits et services peuvent être poursuivis sur le terrain de la concurrence déloyale. L'entreprise évaluée pourra arguer qu'il s'agit d'un acte de dénigrement, qui vise à jeter le discrédit sur les biens ou services d'une entreprise dans le but de lui nuire, et ainsi obtenir réparation du préjudice subi du fait de ces commentaires (perte de clients, préjudice commercial, atteinte à l'image de marque, etc.). La concurrence déloyale peut particulièrement être invoquée lorsque les avis négatifs sont postés par un concurrent (voir par exemple Cour d'appel de Paris, 19 mars 2008, n°07/02506).

Chaque manquement aux obligations d'information imposées par le Code de la consommation relativement aux avis en ligne est sanctionné d'une amende administrative d'un montant de 75 000 euros pour une personne physique ou 375 000 euros pour une personne morale. Il incombe à la DGCCRF d'examiner la conformité des sites Internet d'examiner la conformité des sites aux prescriptions du Code de la consommation et, le cas échéant, de prononcer des amendes.

En d'autres termes, il est possible de lutter contre les avis par une dénonciation à la DGCCRF.

Negative SEO et faux avis

Au-delà des faux avis qui ont vocation à faussement crédibiliser un service ou un bien vendu en ligne, il existe aussi des faux avis qui ont vocation à défavoriser un concurrent.

Ce comportement revêt plusieurs qualifications juridiques.

Concurrence déloyale

L'article 1240 du code civil dispose « tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »

Cet article, de portée extrêmement générale et d'application universelle, permet à toute victime d'un préjudice de demander réparation d'un dommage s'il est consécutif à une faute.

Loi de 1881 relative à la liberté de la presse

La loi du 29 juillet 1881 définit la diffamation comme "toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé".

Dans le cadre de la diffamation, l'intention coupable est présumée, c'est-à-dire que l'auteur des propos malveillants aura à charge de prouver sa bonne foi. Pour cela il devra réunir quatre conditions :

  • la sincérité (le diffamateur croyait vrai le fait diffamatoire) ;
  • la poursuite d'un but légitime (le souci d'informer et non de nuire) ;
  • la proportionnalité du but poursuivi ;
  • le souci d'une certaine prudence.

La diffamation ne vise que les personnes. Elle ne sera pas retenue si les propos visent un produit et non une personne. Mais la Cour de cassation a retenu dans ce cas la responsabilité civile de l'éditeur pour manquement à son devoir de prudence et d'objectivité.

Toutefois, il peut y avoir diffamation dès lors que les éléments du délit sont réunis « même si l'allégation est présentée sous une forme déguisée ou dubitative ou par voie d'insinuation ».

Quelle que soit la qualification juridique, il est possible de porter la procédure devant la justice pour faire cesser immédiatement les faux avis au but de negative SEO.

Mise à jour 22/11/2018 : la norme NF Z74-501 Juillet 2013 mentionnée dans l'article  a été annulée le 22/09/2018 car une norme ISO (ISO 20488:2018 - Avis en ligne de consommateurs -- Principes et exigences portant sur les processus de collecte, modération et publication des avis - https://www.iso.org/fr/standard/68193.html) a été créée récemment (en juin 2018) sur le fondement de cette norme française (comme expliqué ici : https://www.afnor.org/actualites/des-avis-en-ligne-a-le-reputation-la-mobilisation-est-sur-tous-les-fronts/). L'article à ce sujet reste donc pertinent par rapport à cette norme ISO.


Alexandre Diehl
Avocat à la cour, cabinet Lawint (http://www.lawint.com/)