Il est souvent important, voire primordial de benchmarker son propre site avec ceux de ses concurrents. Pour cela, un indicateur-clé reste le trafic généré par des différentes sources (et notamment le SEO) sur chacun de ces sites. Mais si les données sont aisées à obtenir pour son propre site web, il n'en n'est pas de même pour les concurrents. Est-il alors possible de mesurer et comparer ce trafic pour des sites ne vous appartenant pas ? Théoriquement non. Mais des outils existent, avec leurs avantages et leurs inconvénients. Décryptage...

Par Daniel Roch


C'est une question récurrente : comment connaître le trafic d'un site web quand ce dernier appartient à une autre personne, physique ou morale ? En soi, c'est une donnée impossible à obtenir, mais on peut essayer de l'extrapoler avec différents outils, à condition de connaître tous les défauts que cela implique.

La notion de trafic

Connaître le trafic d'un site web permet de mesurer sa popularité, sa notoriété et leurs évolutions respectives. Il est important de le mesurer sur son propre site, mais il est aussi intéressant de le faire sur ceux de ses concurrents ou sur ceux des sites traitant de la même thématique.

Cependant, avant d'aller plus loin, ayez en tête que le trafic n'est qu'un moyen et pas une fin en soi. Un site doit atteindre des objectifs (ventes, prises de contact, inscriptions, clics publicitaires, etc.), et ce critère ne pourra jamais être mesuré sur des sites ne vous appartenant pas. Le trafic peut permettre de l'estimer, mais cela restera uniquement des ordres de grandeurs et des suppositions.

Mesurer le trafic réel est impossible

Autre point important : il est impossible de mesurer le trafic réel, même sur son propre site. Il existe en effet différentes problématiques techniques qui empêchent d'avoir accès au nombre exact de visiteurs de son site. Parmi elles, on peut citer :

  • Les internautes qui consultent le site en navigation privée ;
  • Ceux qui changent de page avant que les scripts Analytics se soient chargés ;
  • Ceux qui bloquent les scripts Analytic via une extension de leur navigateurs ;
  • Si votre site est conforme RGPD et CNIL, vous retrouverez ici aussi ceux qui ont n'ont pas accepté l'ajout de tels scripts ;
  • Etc.

Pire encore, les concepts même de visites et de visiteurs sont à prendre avec des pincettes :

  • Un visiteur est en réalité un appareil : un ordinateur, une tablette, un téléphone, etc. C'est pour cela que l'on peut avoir :
    • une famille qui se connecte avec un seul PC (un seul « visiteur », plusieurs personnes réelles) ;
    • ceux qui se connectent au même site avec plusieurs périphériques différents (plusieurs « visiteurs », une seule personne physique).
  • Une visite est liée à une durée. Par exemple sur Analytics, une visite se termine après 30 minutes d'inactivité (dans le sens où il n'y a pas de rechargement du script Analytics, donc souvent sans changement de page). Or, parfois, on peut ouvrir un onglet mais ne le consulter que plus tard, ou encore on peut lire un tutoriel et l'appliquer au fur et à mesure, et on va ainsi avoir une interaction bien après 30 minutes, déclenchant ainsi une nouvelle visite.

Faites dont très attention au sens réel de ces termes, et à tous les biais qui y sont liés.

Mesurer le trafic n'est pas toujours une bonne idée

Dernier point avant d'entrer dans le vif du sujet, mesurer le trafic des autres n'est pas un indicateur de réussite systématique.
Le nombre de visite n'influe pas sur le taux de conversion ni sur la marge d'une entreprise. Mesurer ce seul critère sur sa concurrence ne permet donc pas de juger de leur réelle part de marché, ni de leur réussite réelle, et encore moins du potentiel total d'un secteur d'activité. C'est un critère à prendre en compte, mais ce n'est pas le seul et ce n'est pas non plus toujours le plus pertinent.

Les problématiques de la mesure du trafic basée sur le positionnement

Comme dit auparavant, nous ne pouvons pas avoir le chiffre exact de l'outil de webanalytics d'un site qui ne nous appartient pas (et ce chiffre n'est de toute façon pas exact à cause des problématiques citées auparavant).

Tous les outils qui seront détaillés dans la suite de cet article vont donc extrapoler cette donnée en prenant notamment en compte le positionnement du site analysé sur une partie de ses mots clés. Mais cette donnée brute a de nombreux défauts dont voici la liste :

Saisonnalité

La plupart des outils vont faire des estimations basées sur des volumes de recherches moyens. Le problème est que ce chiffre est avant tout une estimation lissée sur l'année. Elle ne tient donc pas compte de la saisonnalité de la demande :

  • Dans certains secteurs d'activité, la demande est plus forte certains mois ;
  • La demande est influencée par différent éléments comme les vacances scolaires, les jours fériés, les évènements du secteur d'activité ou encore la météo.

Dans les outils que nous allons utiliser, beaucoup ne prennent pas en compte cet aspect (ou tout du moins ils n'indiquent pas le faire). Le chiffre donné serait donc alors une estimation mensualisée de ce trafic sans aucune prise en compte de la saisonnalité.

Géolocalisation

De même, les internautes sont géolocalisés. A cause de cela, une même requête peut avoir des résultats différents d'un internaute à l'autre.


Fig. 1. Un exemple de requête géolocalisée, avec la carte mais aussi avec des résultats naturels modifiés en dessous.

Les outils ne peuvent ainsi pas prédire la géolocalisation des requêtes sur lesquelles un site apparaît, et notamment les changements de positions sur ce même mot clé.

Personnalisation selon requête

Au même titre que la géolocalisation, certaines requêtes peuvent déclencher d'autres types de résultats :

  • Position 0 ;
  • People Also Ask (« Les autres internautes demandent aussi ») ;
  • Vidéos ;
  • Google News ;
  • Etc.

A ce niveau-là, aucun outil ne différencie la position obtenue par un site en incluant la présence de ces résultats. Un outil de suivi de positionnement peut ainsi indiquer une position 1 alors que les résultats commencent par une position 0 puis par un bloc People Also Ask, repoussant les résultats naturels (et le trafic potentiel) en-dessous de la ligne de flottaison.

Mesurer le trafic chez les autres

Maintenant que l'on connaît ces problématiques, voyons les solutions existantes :

Analyser une marque

C'est sans doute la plus simple : visualiser combien d'internautes recherchent une marque. Cela permet de voir la demande liée à un site concurrent, tout en mesurant leur notoriété et l'évolution de cette dernière (par exemple, est-ce que cette marque est de plus en plus connue ou non ?). Pour cela, vous pouvez utiliser l'outil gratuit Google Trends : https://trends.google.fr/trends/

Dans l'exemple ci-dessous, on peut par exemple voir l'évolution des recherches depuis 2004 sur la marque « Nike » :


Fig. 2. L'évolution de la demande sur une marque concurrente.

Attention cependant à prendre en compte différents points :

  • Google Trends ne donne pas des volumes de recherche mais des évolutions de tendance ;
  • Sur une marque peu connue, ce type d'outil ne vous affichera pas de données exploitables ;
  • Il faut refaire l'opération sur toutes les variantes de l'entreprise (fautes d'orthographes, marques différentes pour un même site, etc.).


Fig. 3. Un autre exemple peu utilisable sur une marque moins recherchée.

On peut aussi utiliser pour ce type de recherche tout outil donnant des volumes de recherche exact sur des mots clés, comme par exemple SemRush ou Yooda Insight dont nous allons parler ensuite.

L'exemple de base

L'objectif restant de mesurer un trafic SEO global et non pas uniquement un volume de recherche sur une marque, nous nous baserons sur le trafic réel d'un site sur le mois d'Octobre : 17 500 visites SEO pour un trafic total de 20 500 visiteurs.


Fig. 4. Les données réelles de base pour le test des outils de cet article.

Utiliser les chiffres des outils en ligne

Nous allons passer en revue différents outils, certains gratuits, d'autres payants. L'idée ici n'est pas de les critiquer mais bien de démontrer la quasi impossibilité de mesurer le trafic d'un site ne nous appartenant pas.

Voici les résultats obtenus :

  • Yooda Insight : estimation de trafic aux alentours des 12 à 14 000 visites sur Octobre ;


Fig. 5. Les données de Yooda Insight.

  • SimilarWeb : 59 000 visites estimées sur le mois d'Octobre ;


Fig. 6. L'estimation surestimée de SimilarWeb.

  • AlexaRank : l'outil ne donne qu'un rang, pas un trafic estimé ;


Fig. 7. Le classement Alexa.

  • SemRush qui donne une estimation mensuelle à 25 000 visites ;


Fig. 8. Les données de SemRush sur un mois précis sur un site donné.

Sachez également que Google Adwords peut aussi vous donner des estimations d'impressions. Pour cela, vous devez démarrer une campagne display, puis regarder la partie des emplacements ciblés. L'outil donnera lors des fourchettes d'impressions d'affichages potentiels sur différents sites :


Fig. 9. Les estimations d'impression via la publicité display d'Adwords.

Trouver les mots clés sur lesquels les sites se positionnent

Pour ce point-là, on peut réutiliser certains outils cités précédemment, comme SemRush ou Yooda Insight. En renseignant l'adresse des sites que l'on veut analyser, ces derniers peuvent nous faire ressortir les termes positionnés et le volume de recherche correspondant.

Là encore, nous sommes dépendants des données de ces outils : elles ne seront jamais à jour en temps réel, et ne prendront jamais en compte tous les moteurs de recherche ni tous les termes existants et ceux à venir. Juste pour rappel, Google estime que 15% des requêtes qu'il traite chaque jour n'ont jamais été tapées auparavant (source : https://www.abondance.com/20170427-17922-15-requetes-google-nont-jamais-ete-saisies-auparavant.html).

Malgré cela, cela reste un très bon moyen d'analyser la concurrence et d'étudier son trafic potentiel actuel ou à venir. Voici un exemple avec les mots clés positionnés sur le site Adidas.fr


Fig. 10. Un exemple de détail de positionnement sur un site ne nous appartenant pas.

Donc comment faire pour mesurer ce trafic ?

Aucun outil ne donne les mêmes estimations, et ce pour plusieurs raisons déjà citées :

  • Saisonnalité ;
  • Géolocalisation ;
  • Personnalisation du type de résultats selon la requête ;
  • Bases de données différentes et absence de mises à jour en simultané.

Pour réussir à corriger cela, il faudrait dans l'idéal :

  • Ressortir la liste exacte et exhaustive des termes positionnés du site ;
  • Trouver le volume mensuel exact de recherche de chacun de ces termes (donc un volume non annualisé) ;
  • Pouvoir déterminer les éventuelles personnalisations de résultats pour chaque terme ;
  • Trouver ensuite le taux de clic correspondant à chaque requête pour chaque position obtenue par le site analysé.

En d'autres termes, aucun outil actuel ne permet aujourd'hui d'aller aussi loin dans l'analyse.

Conclusion

Vous l'aurez compris, il n'est malheureusement pas possible de mesurer le trafic réel d'un site ne nous appartenant pas, et cela à cause de la multitude de facteurs qui vont entrer en ligne de compte.

Malgré cela, les différents outils gratuits et payants cités dans cet article vont vous donner des ordres de grandeur permettant d'estimer ces données et donc de mesurer le niveau de concurrence ou de positionnement d'un autre site web. Yooda Insight et SemRush semblent ainsi les plus pertinents dans leurs analyses.


Daniel Roch, consultant WordPress, Référencement et Webmarketing chez SeoMix (http://www.seomix.fr)