Chaque mois, nous demandons à une personnalité du SEO francophone sa vision du futur de notre métier à une échéance de 5 ans (au-delà on peut imaginer que c'est de la pure science-fiction). Ce mois-ci, c'est Raphaël Doucet, incontournable dans le PISF (Paysage Internet et SEO Français) et grand communicateur sur Twitter notamment, qui nous donne sa vision du futur de ce métier en revenant sur les quelques années qui viennent de s'écouler pour mieux envisager les prochaines...

Par Raphaël Doucet


Alors soyons clair : je suis coincé entre le fait de remercier Olivier pour cette invitation et le maudire pour m'obliger à me triturer les neurones juste après les fêtes.

Comment est-ce que je vois le SEO dans 5 ans ? Beaucoup se sont déjà essayé au prédictif avec le SEO et Google en particulier, avec plus ou moins de réussite. Chaque année, nous voyons fleurir les articles du genre "le SEO en 2019"... Vous l'aurez compris, un exercice  qui me parait assez compliqué voire limite casse figure, mais j'accepte de relever le défi. Par contre, si je me suis planté, inutile de revenir dans 5 ans, la maison rejette toute responsabilité 🙂

Google et le SEO en 2024

Clairement, je vais dans cet article faire l'amalgame Google = SEO car c'est encore le cas en ce début d'année 2019, et même si j'apprécie beaucoup Qwant et ses équipes, j'ai du mal à voir une grosse part de marché pour ce moteur alternatif d'ici à 5 ans. Google sera encore et toujours là, mais aura à mon avis muté Mutation dont nous avons les prémices déjà depuis quelques années, mais qui croissent de manière exponentielle.

La "grosse nouveauté" 2018 a été l'annonce et le lancement de l'IMF (Index Mobile First). Nous le savions déjà, le monde connecté en général virait mobile mais là, Google envoie un message assez fort. Même si pour le moment, mobile et desktop continuent de cohabiter, le dernier perd beaucoup d'importance dans le pourcentage d'utilisation des internautes. A mon sens, cela va continuer et le desktop ne deviendra qu'un reliquat de la consommation web en général.

Dans 5 ans ou un peu plus, vouloir un site compatible desktop aura à peu près la même importance qu'avoir un site compatible IE de nos jours. Pour moi, même la consommation du Web et de l'information sera en régression sur smartphone.

Je suis prêt à mettre une petite pièce sur le fait que Google va nouer des partenariats stratégiques pour intégrer d'autres objets du quotidien. Je vois bien revenir les Google Glass, par exemple.

L'Homme étant fainéant de nature, une grande majorité de la population succombera à la tentation des assistants virtuels. Les plus récalcitrants se les verront imposer à mon avis, d'une manière ou d'une autre.

Cela veut donc dire que le vocal, recherche mais surtout réponse, vont continuer à prendre de l'importance. Peut être à mon sens le plus gros impact potentiel sur le monde du SEO. Car si actuellement, des sites peuvent très bien s'en sortir sans être premier, le vocal se cantonne à une réponse unique. En clair, c'est être premier ou mourir. Être moyen  ne sera plus viable et j'y reviendrai par la suite.

La reconnaissance des objets est également un point à suivre de près avec notamment Google Lens. Je le verrai bien intégré à des lunettes par exemple ou des pare-brises 🙂

Donc j'arrête le SEO ?

Le SEO d'hier clairement, on peut bientôt le mettre au placard. Certaines vieilles techniques de filou fonctionnent encore, mais le champ des possibles se réduit comme peau de chagrin. Soit certaines sont complètement mortes, soit beaucoup plus éphémères.

Je vais probablement enfoncer des portes ouvertes mais voici des axes à travailler pour moi dans les 5 ans à venir :

Viser la perfection

Au fil des MAJ 2018 de Google, je remarque que Google déteste le médiocre et apprécie de moins en moins le moyen. Des sites qui ont tenu des mois voire des années pour certains se sont cassé la figure avec les différentes modification algorithmiques des derniers mois. J'ai de plus en plus l'impression que Google ne laisse rien passer et veut "du propre de chez propre" (même s'il existe toujours des contre-exemples). Que ce soit au niveau technique ou au niveau du contenu, Google en veut pour son argent !

Un exemple concret tout en respectant la confidentialité du client : ce dernier a une boutique depuis bientôt 8 ans. Elle avait été lancée un peu rapidement, sans réelles optimisations SEO. La boutique a fait son chemin, et même un joli chemin (on peut dire qu'elle était sur l'autoroute du succès). Le client savait que le site était vieillot, qu'il y avait des actions à mettre en place, mais "tant que ça tient, on touche pas". Seulement, l'été 2018 est passé par là avec une énorme chute. Et pourtant rien n'a été modifié, ni la structure, ni le contenu, ni le catalogue, ni le netlinking... Mais sincèrement, l'analyse SEO (mais pas que) de ce site avait de quoi faire grincer des dents : pas de version mobile ni responsive, de grosses erreurs techniques, un énorme catalogue de produits morts, pas de réassurance pour le visiteur, mauvais maillage interne, gestion catastrophique des facettes, de la pagination...   Pourtant le site a performé pendant des années sans broncher.

Un énorme travail ON site a été fait sur ce site (à l'exception du mobile prévu pour mi 2019) et nous avons réussi à rétablir la situation. Pas de netlinking, mais juste proposer un site propre techniquement, au contenu et visuel plaisants pour l'internaute. Visiblement Google avait dit stop à la médiocrité.

Répondre et satisfaire à l'intention première de l'internaute

Là encore, pour moi nous avons ici la cause d'un grand nombre de dégringolade. Un exemple simple : si vous étiez dans le top 3 depuis des mois sur le mot clé [tomate] avec votre page qui parlait de la composition et valeur nutritive de la tomate, alors que les internautes avait en réalité pour intention d'en apprendre plus sur la date de semis, la période pour le repiquage en pleine terre, les rendements des différentes variétés, quand se fera la récolte... Et bien ce genre de pages a sauté. Google avec ces différents algorithmes, son IA (Intelligence Artificielle), ou ML (Machine Learning) apprend énormément et file vers le prédictif. Donc vous devez faire la même chose. Que recherche réellement votre internaute, que veut-il faire à partir de sa requête? Vous devez non seulement répondre, mais également satisfaire son intention. Le critère satisfaction utilisateur a pour moi grimpé d'un cran au sein des algorithmes de ces derniers mois.

Vous n'êtes pas sûrs de ce que l'internaute veut ? Regarder la SERP et Google vous donnera un indice de ce qu'il attend et met en avant.

Être tendance et non factuel pour survivre

Google avoue lui-même que 15% des requêtes générées par les utilisateurs sont totalement nouvelles. C'est un très bon point pour nous, car Google n'a pas encore la data sur cette requête. Autrement dit, les SERP sur ces expressions sont vierges et malléables, il y a beaucoup de place pour le SEO. Google va devoir proposer des réponses, et faute d'échantillons comparatifs suffisants, il proposera à peu près tout ce qu'il trouvera. C'est le meilleur moment de vous imposer en leader, en référence sur ce domaine. Mais cela implique une veille énorme et une réactivité importante.

Ne perdez pas de temps avec tout ce qui est "fait établi". Google ayant basculé depuis un moment dans la logique moteur de réponse, si il peut servir directement la réponse pourquoi vous enverrait-il du trafic? Certains se souviennent probablement de l'âge d'or des sites sur les célébrités pour connaître leur âge, leur taille... Tout ceci est terminé et d'autres secteurs seront touchés dans les mois à venir. Avec tous les microformats que nous servons à Google, il a tout sur un plateau pour se passer de nous dans un avenir proche.

Être au plus proche de sa cible

Je ne vais pas revenir sur l'intention qui implique une bonne connaissance de sa cible, mais la proximité géographique.

Cela fait déjà un moment que Google privilégie des résultats locaux aux résultats nationaux, car le moteur a compris que c'était nettement plus pertinent. Il y a encore quelques mois (années), quand vous recherchiez [restaurant indien], vous aviez une SERP nationale. Cette époque est révolue, désormais Google vous proposera des résultats proches de votre position car il y a fort à parier que vous recherchez un établissement pour casser une graine. Bien d'autres secteurs ont été touchés et certains sites n'ayant pas anticipé ce virage ont subi de belles déconvenues.

Travailler le local, sur vos sites, sur GMB (Google my Business) est devenu incontournable sur certaines thématiques. Certaines entreprises installent même des succursales dans les régions pour mailler tout le territoire et construire une véritable stratégie locale aussi bien de manière physique que sur le Web et en SEO. Mais tout le monde ne peut pas se le permettre.

Ne soyez pas data boulimique

Le SEO ne fait pas exception à un phénomène général et a été envahi par la data. Mais trop de data tue la data et je vois des choses qui parfois m'exaspèrent. Ce qu'il faut viser, c'est la data utile tant en termes de qualité que de quantité. Je ne vais pas m'étendre sur le sujet, d'autres gens sont nettement plus qualifiés que moi sur le sujet comme Sylvain Peyronnet pour ne pas le citer. Sachez simplement faire le tri de ce qui est utile à une prise de décision. Un échantillon représentatif peut largement suffire sans être obligé de crawler l'intégralité d'un site de plusieurs millions de pages. A trop en ingurgiter, vous finirez par tout régurgiter.

Prédictions, adaptations et darwinisme

En conclusion, dans les cinq prochaines années, nous allons à nouveau assister à un écrémage dans la profession. Toutes celles et ceux qui ne sauront s'adapter ne survivront pas. Le rythme des modifications va à mon avis s'accélérer et il sera compliqué de prendre le train en marche. Les visionnaires quant à eux auront même un train d'avance et ce sera un profil recherché dans les prochains mois. Oubliez deux minutes le search tel que vous le connaissez, il disparaîtra tôt ou tard. Imaginez quels pourraient être les futurs moyens de communication, de transmission de l'information.

Personnellement, je me creuse la tête sur les sujets tels que le vocal, les assistants, les objets connectés en général. La seule certitude que j'ai, c'est que Google va muter avec pour objectif de proposer l'information le plus rapidement possible,c'est à dire avant même que le besoin n'ait été énoncé. Il saura prédire ce dont vous allez avoir besoin avant même que vous le sachiez. L'avenir nous dira certainement ce qu'il en est réellement.

Je remercie Olivier pour cette tribune, je félicite ceux qui auront eu le courage de me lire jusqu'au bout. Un tel sujet n'est pas évident surtout quand on veut éviter la redite avec les autres personnes qui se sont prononcées.


Raphaël Doucet, créateur et éditeur du site Visibilité Référencement (https://www.visibilite-referencement.fr/)