Une pratique très répandue dans le domaine du SEO consiste à obtenir (contre rémunération) des articles sur des sites tiers qui feront dans leur contenu des liens vers son propre site web. Cette façon de faire peut-elle être assimilée à de la publicité ou à des publi-rédactionnels et, dans ce cas, quelles sont les règles juridiques et les contraintes attenantes qui s'appliquent ? Explications de notre juriste et avocat attitré...

Par Alexandre Diehl

La publicité est strictement réglementée en droit français depuis près d’un siècle et encadrée depuis au moins les Rois. Cette pratique très humaine existe finalement depuis la nuit des temps, depuis que l’Homme a compris l’importance de promouvoir son produit ou service. Toutefois, depuis la même nuit des temps, l’Homme a une certaine tendance à mentir ou exagérer quant il promeut. C’est à ce titre que la loi est rapidement venue encadrer et limiter les exagérations et mensonges. Aujourd’hui, sur Internet, ces lois centenaires ont été traduites dans des textes plus modernes mais tout autant porteurs de protection du consommateur.

La définition de la publicité

En fait, la publicité a toujours été appréciée au sens large par le législateur, le juge et les corps intermédiaires.

Ainsi, la Cour de cassation en a proposé une définition large : « tout moyen d'information destiné à permettre à un client potentiel de se faire une opinion sur les résultats qui peuvent être attendus du bien ou du service qui lui est proposé ».

La directive européenne 84/450/CE du 10 septembre 1984 sur la publicité trompeuse (qui donnera lieu à transposition dans le code de la consommation d’ailleurs) dispose qu’une publicité est « toute forme de communication faite dans le cadre d’une activité commerciale industrielle, artisanale ou libérale dans le but de promouvoir la fourniture de biens ou services, y compris les biens immeubles, les droits et les obligations ».

Le décret n° 92-280 du 27 mars 1992 relatif à la publicité et au parrainage audiovisuels précise que constitue une publicité « toute forme de message télévisé diffusé contre rémunération ou autre contrepartie en vue soit de promouvoir la fourniture de biens ou services, y compris ceux qui sont présentés sous leur appellation générique, dans le cadre d'une activité commerciale, industrielle, artisanale ou de profession libérale, soit d'assurer la promotion commerciale d'une entreprise publique ou privée ».

Le droit voit donc la publicité au sens large, de telle sorte que tout message, quelle que soit sa forme (lien sponsorisé, publi-rédactionnel, « vraie » publicité ou publicité placée) sera considéré comme une publicité. En d’autres termes, il sera impossible de prétendre qu’une pratique ou un texte n’est pas une publicité au prétexte qu’elle ne répond pas à une certaine forme. C’est donc bien le message et la finalité recherchée qui qualifient une publicité.

La question des contenus informatifs

Si la définition d’une publicité est claire quant au contenu précis qu’elle contient, se pose désormais (et encore plus dans un contexte SEO) l’application ou non du régime de la publicité aux contenus informatifs (ou éditoriaux) que des sites pourraient s’échanger. L’intérêt en SEO est évidemment d’augmenter la qualité d’un site et donc son SEO en créant des contenus sur d'autres sites, contenant des liens vers leur source d'information.

En toutes hypothèses, la question de l’échange ou de la revente de tels articles implique plusieurs aspects :

  • Est-ce qu’une telle pratique implique le régime de la publicité ?

La réponse est non a priori. La définition dde la publicité repose sur le contenu du message et non sur la forme ou le caractère payant ou non du contenu. Ainsi, un article, s’il ne promeut pas intrinsèquement un produit ou un service ne sera pas considéré comme une publicité. En revanche, si un article fait la promotion d’un produit ou service, même de manière discrète, même de manière détournée, la réponse sera oui.

La question de la rémunération (en espèces sonnantes et trébuchantes ou en nature : don ou prêt de produits, voyages, etc.) n’intervient pas dans l’application ou non du régime de la publicité.

  • Est-ce qu’une telle pratique implique le régime du journalisme ?

La réponse est : ça dépend. En effet, certains éditeurs de site web peuvent se voir reprocher par le Syndicat National des Journalistes d’éditer non pas un site, mais bien un site de presse.

Les lois imposant des mentions spécifiques aux supports

Même si le « droit d’Internet » ne veut rien dire puisque toutes les lois générales s’appliquent sur Internet comme dans le monde matériel, il existe toutefois une loi spécifique à ce qui se passe en ligne : la loi du 21 juin 2004 « loi en la confiance en l’économie numérique ». Cette loi régit précisément les agissements et commerce en ligne, de telle manière qu’elle est le texte principal sur les mentions obligatoires de tout site, publicité en ligne ou texte sur Internet.

A ce titre, l’article 6 de cette loi nous précise qu’il est indispensable de mettre à la disposition du public :

  • Si on est une personne physique :
    • nom / prénoms ;
    • domicile ;
    • numéro de téléphone et ;
    • si elle est autoentrepreneur / artisan / libéral, son numéro RCS
  • Si on est une personne morale :
    • dénomination ;
    • siège social ;
    • numéro de téléphone ;
    • numéro RCS ;
    • capital social.
  • Le nom du directeur de la publication. En effet, au titre du droit de la presse, les délits de diffamation, injure publique, propos antisémites / homophobes / racistes, etc… sont constitués lorsqu’ils sont écrits. Afin de pouvoir poursuivre l’auteur de tels délits, il convient d’identifier la personne qui est pénalement responsable, à savoir non pas la société, mais le directeur de la publication. En pratique, il s’agit presque toujours du responsable de la société, le président ou gérant.
  • Enfin, au titre de la loi LCEN, il convient de définir l’hébergeur et plus précisément son nom, adresse et numéro de téléphone.

En plus de ces mentions, il existe plusieurs autres obligations telles que le fait de mentionner le numéro TVA en cas de vente en ligne ou, bien évidemment, les innombrables mentions obligatoires propres au RGPD.

Enfin, certaines professions imposent que soient spécifiées des mentions réglementaires, comme, par exemple :

  • l’inscription à un barreau pour les avocats, ou
  • la référence aux règles professionnelles applicables pour les conseils en gestion de patrimoine.

C’est dans ce cadre réglementaire que s’insèrent les règles relatives à la publicité. En effet, parce que le site « support » sur lequel va s’afficher la publicité contient déjà toutes ces informations, ladite publicité n’aura pas besoin de les mentionner à nouveau.

Le dispositif des mentions relatives aux publicités comprend donc les mentions intrinsèques à la publicité et les mentions de l’environnement, à commencer des sites en eux-mêmes.

Les lois imposant des mentions spécifiques aux publicités

L’article 20 de la LCEN précise clairement que « toute publicité, sous quelque forme que ce soit, accessible par un service de communication au public en ligne, doit pouvoir être clairement identifiée comme telle. Elle doit rendre clairement identifiable la personne physique ou morale pour le compte de laquelle elle est réalisée ».

En d’autres termes, il est obligatoire qu’une publicité, fut-elle un lien sponsorisé ou un publi-rédactionnel, précise clairement :

  • qu’il s’agit d’une publicité (c’est pour ca que Google précise aujourd’hui « Annonce ») ;
  • que la publicité, que ce soit le lien en lui-même ou l’URL vers qui pointe le lien, précise l’annonceur.

C’est sur ce fondement juridique que les publi-rédactionnels sont toujours bien identifiés comme des « publi-rédactionnels », précisément pour que le lecteur normalement attentionné, comprenne bien qu’il s’agisse de publicité.

D’un point de vue strictement juridique, il n’existe aucune contrainte ou règle relative à la charte graphique, sous réserve que la publicité respecte les principes ci-avant visés. Par exemple, la taille de la police n’a jamais été réglementée par une loi, mais par des pratiques ou normes.

Les lois imposant des règles spécifiques aux publicités

S’il existe très peu de mentions obligatoires pour les publicités en ligne, il existe en revanche de nombreuses règles sur les messages des publicités. Ces règles viennent quasiment toutes du code de la consommation et ont vocation à protéger un consommateur moyennement attentionné.

Sont par exemple prohibées :

  • toute publicité mensongère ou trompeuse ;
  • toute mention comparative ou dénigrante ;
  • toute mention susceptible de créer dans l'esprit du public une qualité fausse ;

C’est donc plus le contenu qu’il convient de valider au regard des principes directeurs du code de la consommation avec d’intégrer toute publicité en ligne.

Il peut être utile de consulter également le site de l’ARPP (https://www.arpp.org/nous-consulter/regles/regles-de-deontologie ) qui comprend de nombreuses pratiques que les métiers (et finalement les juges de première instance) afin de proposer une publicité réellement conforme à l’état de l’art.

 

Alexandre Diehl
Avocat à la cour, cabinet Lawint (http://www.lawint.com/)