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Google a mis en place en fin de semaine dernière un formulaire de prise en compte du droit à l'oubli et a vu affluer des dizaines de milliers de demandes en quelques jours. Mais cela résout-il les problèmes du moteur, des internautes et, d'une façon générale, de la notion de droit à l'oubli ?...

On le sait, Google a annoncé en fin de semaine dernière la mise en place d'un formulaire de droit à l'oubli permettant à tout internaute européen qui le désire de demander à ce qu'une page contenant des informations erronées sur sa personne soit supprimée de l'index de Google.

Cette information est intéressante mais elle suscite de nombreuses interrogations... Et bien peu de réponses...

Côté Google : un monstre ingérable

Regardons tout d'abord ce projet du côté de la firme de Mountain View : a priori, la procédure de traitement des demandes n'est pas encore totalement définie et aucun délai n'a été avancé par Google. Seul un "collège d'experts" a été nommé pour l'instant.

Le premier jour (vendredi dernier), Google a reçu 12 000 demandes, alors que le formulaire n'était pas encore connu de tous, loin de là. Cela augure donc des centaines de milliers de requêtes de suppression de données qui vont affluer sur les ordinateurs de la société américaine.
Or, ce ne sont pas là des demandes qu'on peut traiter en quelques minutes : il faut vérifier l'identité de la personne, comprendre et analyser sa sollicitation, avoir une bonne connaissance des lois de chaque pays, voir si la demande est légitime ou pas, etc. Ce traitement n'est pas manichéen et gérable en quelques instants. Le plus souvent, on sera dans la nuance, l'appréciation de détails, etc.

Comment Google pourra-t-il traiter des centaines de milliers de demandes avec efficacité et rapidité ? Cela parait tout simplement impossible ! Et pas question de confier cela à des personnes non qualifiées ! Le profil de l'équipe ayant la charge de ces traitements doit être pointu, notamment au niveau juridique. De vrais modérateurs, experts dans leur domaine.

Google est une société qui a toujours axé sa stratégie sur l'automatisation des tâches et des procédures en interne. Mais, dans ce cas, il est difficile d'imaginer qu'il soit possible de traiter ces demandes si spécifiques grâce à des machines. Seul l'humain semble capable de prendre en compte des requêtes si pointues. Sincèrement, on ne voit pas de solution fiable poindre à l'horizon...

Côté internaute : combien de formulaires remplir ?

Si l'internaute désire réellement qu'il soit impossible de trouver des informations personnelles non désirées sur les moteurs de recherche, la demande à Google ne suffira pas. Il faudra également envoyer cette demande à Bing (qui ne propose pas encore un tel formulaire) et pourquoi pas à Yandex en Russie, Baidu en Chine, Naver en Corée du Sud, Seznam en République Tchèque, Orange et Qwant en France, etc. Mais aussi DuckDuckGo, Blekko et bien d'autres ! On n'en sort plus !

Côté droit à l'oubli : ça ne résout rien !

Mais le plus important, dans tout ça, est bien que cela ne résoudra en rien le problème du droit à l'oubli. Ce n'est pas Google qui doit oublier, c'est le Web !

Demander aux moteurs de recherche de supprimer une URL de leur index, c'est mettre un pansement sur une jambe de bois. La page existera toujours sur le Web et point d'oubli en perspective, donc ! Elle reviendra, inexorablement, un jour ou l'autre.

Viser les moteurs de recherche est certainement une solution de facilité mais cela ne concerne pas véritablement le droit à l'oubli. Pour que la procédure soit réellement efficace, il faudrait mettre en place une solution qui permette de supprimer réellement un document à sa source, sur le site web qui l'héberge. Et ça, c'est un euphémisme que de dire que ce n'est pas simple... Mais c'est la seule solution qui permettrait d'obtenir des résultats réellement efficaces dans une démarche d'e-réputation.

De plus, quand on sait que les URL en question ne seront supprimées que pour les moteurs de recherche européens (exemple : pour un internaute français, une page sera supprimée sur Google.fr mais restera accessible sur Google.com, Google.ca et autres), on voit vite que la notion de droit à l'oubli est totalement galvaudée et inappropriée. La jambe de bois a encore de beaux jours devant elle...

Google : pourquoi tant de précipitation ?

Autre interrogation qui nous semble importante : alors que Google, historiquement, traîne des pieds dès qu'il s'agit de discuter ou de traiter des dossiers avec les instances européennes, pourquoi s'est-il ainsi précipité à proposer ce formulaire sans même avoir défini une politique de traitement et une procédure de gestion ? 15 jours seulement se sont écoulés entre la décision de la Cour Européenne de Justice et l'annonce du formulaire de demande de droit à l'oubli. Etonnant, non ? Cette précipitation pose question, et nous n'avons pas de réponse sur le pourquoi d'un délai si court et si précipité pour effectuer cette annonce... Un juriste pourrait peut-être nous en dire plus ?

Et vous, d'une façon générale, que pensez-vous de la disponibilité de ce formulaire de droit à l'oubli ?

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Source de l'image : Abondance