Au mois de mai dernier, Yahoo! et sa filiale française avaient été condamnées par le TGI de Paris à prendre toutes les mesures nécessaires pour rendre impossible l'accès aux enchères d'objets nazis pour les internautes français, suite à un eplainte déposée par la Licra (Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme) et l'UEJF (Union des étudiants juifs de France). Suite à ce jugement, Yahoo! avait jusqu'au 24 juillet pour proposer une solution technique pour résoudre ce problème. Hier, donc, Yahoo! a présenté en audience un rapport d'expertise permettant de faire le point des mesures techniques "de nature à dissuader et rendre impossible toute consultation sur yahoo.com du service de ventes aux enchères d'objets nazis et de tout autre site ou service qui constituent une apologie du nazisme ou une contestation des crimes nazis". Au terme d'un travail de deux mois mené par Yahoo! et confirmé par le cabinet d'expertise Edelweb, une société de conseil en sécurité sur Internet, il s'avère "qu'il n'existe pas en l'état actuel des techniques présentées, de mesure pouvant être mise en oeuvre sur le site de Yahoo! ou de tout autre site Web répondant en tout point à cette demande. De plus, un tel traitement nuirait gravement à la qualité des services proposés".
En effet, pour se conformer à la décision du juge, Yahoo! doit être non seulement capable d'identifier la localisation géographique de ses utilisateurs, mais également, de déterminer en fonction de celle-ci, quels contenus peuvent lui être accessibles. Il s'agit donc de traiter l'ensemble des informations et contenus disponibles sur Yahoo! afin de déterminer en fonction de la nationalité de l'utilisateur, son accessibilité ou son caractère potentiellement illicite. Après analyse des différentes approches techniques, le rapport précise également qu'"aucune des solutions techniques envisageables n'est incontournable et certaines peuvent aboutir soit à bloquer des internautes non français, soit permettre l'accès à des sites contestables à des internautes français, soit encore à bloquer l'accès à des sites non litigieux". Le rapport conclut que "la solution la plus fiable serait d'appliquer des moyens de filtrage au point d'initiation de la connexion, qui se trouve être à l'endroit même où la législation est applicable, c'est-à-dire au niveau de l'outil de consultation (sur le poste de l'internaute), ou au niveau du fournisseur d'accès". Les États souhaitant contrôler le contenu auquel leurs ressortissants ont accès via Internet ont choisi cette solution.
Pour sa part, Yahoo souhaite privilégier la voie de la responsabilisation des utilisateurs. Il met ainsi à la disposition des internautes sur ses sites différentes adresses permettant le téléchargement de logiciels de filtrage que l'internaute peut installer sur son poste, déterminant ainsi selon ses propres critères les contenus dont il souhaite supprimer l'accès pour l'ensemble des utilisateurs de son ordinateur.
"Il s'avère après étude, qu'il n'existe pas de solution technique satisfaisante permettant de répondre à la demande qui nous a été faite, a déclaré Me Christophe Pecnard (cabinet NomoS), avocat de Yahoo! Etats-Unis. Les experts avec lesquels nous avons travaillé nous ont permis de montrer que des difficultés techniques existent à un double niveau : non seulement celui de l'identification de l'origine géographique des utilisateurs, mais également celui du contrôle du contenu des sites. Il s'agit en effet de réaliser un classement en fonction de cette origine et fermer l'accès des contenus litigieux aux utilisateurs identifiés comme français. Nous avons donc considéré que la solution au problème que soulèvent ces organisations doit être trouvée sur le territoire où se situe le trouble, donc sur le poste de réception de l'utilisateur ou au niveau du fournisseur d'accès à internet. Yahoo ! Inc. ne souhaite pas se poser en censeur de l'Internet et suggère de prendre des mesures visant à rendre les internautes responsables de décider de ce qu'ils peuvent et souhaitent voir".
Au cours de la même audience, Yahoo! France a fait état de l'avertissement aux utilisateurs qui a été mis en place dans les 48 heures suivant la notification de la décision du juge, sur le lien hypertexte pointant depuis le site Yahoo! France vers le site américain de Yahoo! et qui renvoyait vers une centaines de sites consacrés à la mémoire de la Shoah ainsi qu'une catégorie révisionniste.
"Yahoo! respecte la loi et la justice françaises et se conforme aux lois et aux sensibilités culturelles de chacun des 23 pays où la société est présente, a précisé Philippe Guillanton, directeur général de Yahoo! France. Nous sommes sensibles à l'émotion suscitée par ce débat et nous regrettons qu'il se place sur le terrain juridique. Cependant, la question qui nous a été posée allait bien au-delà : il s'agit de savoir quel contrôle d'accès on souhaite imposer aux contenus proposés par Internet. Nous considérons que ce n'est ni à Yahoo! ni à aucune société Internet d'en décider. C'est pourquoi nous invitons une nouvelle fois la Licra, l'UEJF, toutes les organisations qui souhaiteraient se joindre à elles à travailler avec nous et avec l'ensemble des acteurs de l'Internet afin de déterminer ensemble les réponses les plus adaptées aux nombreuses questions que soulève aujourd'hui le nouveau média Internet".
Le juge prendra sa décision le 11août prochain.