A une époque où la suprématie de Google n'a jamais été aussi forte en Europe (82% de parts de trafic en France, près de 90% en Allemagne, par exemple), il devenait non seulement nécessaire mais surtout indispensable que le Vieux Continent réagisse. En effet, sans vouloir faire de l'anti-américanisme primaire ou du big-brotherisme de base, qu'utilisons-nous, dans l'immense majorité des cas, lorsque nous effectuons des recherches sur le Web ? : des ordinateurs américains, un système d'exploitation américain, un navigateur américain et des moteurs de recherche... américains.

Le troisième millénaire sera certainement celui de l'information (ou ne sera pas, comme l'aurait peut-être dit Jean-Paul Sartre). Et celle-ci circule de plus en plus sur l'Internet et le Web. Enfin, quel est le vecteur de diffusion de cette information auprès des internautes ? Le moteur de recherche, qui symbolise jour après jour, à tort ou à raison d'ailleurs, l'alpha et l'omega de la connaissance mondiale.

Or, les moteurs savent, notamment pour des raisons publicitaires, parfaitement géolocaliser leurs utilisateurs. Ils savent donc parfaitement si la personne qui tape une requête dans le formulaire de recherche se trouve en France, au Japon, en Chine ou dans un laboratoire de recherche américain. Techniquement, rien n'empêcherait le fait que des réponses différentes soient fournies à ces internautes selon leur localisation géographique. Qu'en serait-il sur des requêtes "sensibles" ayant trait au terrorisme, au trafic de drogue ou d'armes, à la politique stratégique, etc. ? Les sujets ne manquent pas...

Attention, je ne dis pas que cela se passe comme cela aujourd'hui. Je me permets juste de dire que techniquement, c'est tout à fait possible avec les connaissances actuelles en termes de localisation des internautes... Si le potentiel est là, un "contre pouvoir" semble obligatoire à l'heure actuelle et même le plus vite possible...

Depuis le mois d'avril 2005, un projet européen, du nom de Quaero (qui signifie "je cherche" en latin), a été mis en place par Jacques Chirac et Gerhard Schröder, lors d'un Conseil des ministres franco-allemands. Il semblerait que ce projet, qui devrait réunir entre autres Thomson, France Telecom, Exalead, Thalès et Deutsche Telekom, soit présenté d'ici quelques jours à l'Agence pour l'innovation industrielle (AII). Nous devrions alors en savoir plus à son sujet...

En effet, de nombreuses questions se posent concernant ce projet :
- De grandes structures comme Thalès, Thomson, Deutsche Telekom et France Telecom pourront-elles s'entendre sur les objectifs visés et une équipe regroupant des membres de ces entreprises aura-t-elle la réactivité suffisante pour contrer Google ? On note 17 partenaires actuellement sur ce projet. N'est-ce pas trop ?
- A ce sujet, quelle sera la stratégie de Quaero face à Google ? Affrontera-t-il le moteur américain de front, en proposant les mêmes fonctionnalités ? Où biaisera-t-il en proposant des voies de réflexions différentes ? D'ailleurs, la stratégie de Quaero sera-t-elle de concurrencer Google, après tout ?
- Et surtout, Quaero, ce sera quoi ? On a parlé de moteur de recherche multimedia, mais que cela signifie-til ? Texte ? Video ? Audio ? Blogs ? Etc. On parle beaucoup aujourd'hui de ce projet, mais on ne sait strictement pas ce qu'il sera... Les sites web qui le présentent sont très peu explicites à ce sujet...
- Quaero sera-t-il un assemblage de différentes technologies qui cohabiteront ou le projet sera-t-il basé sur de nouveaux développements repris à zéro ? Dans les deux cas, quelle est la faisabilité et quels seront les délais ?
- Quel sera le budget de ce projet ? On a entendu parler de 100 millions d'euros, mais sera-ce suffisant quand on sait que Google est aujourd'hui valorisé à près de 140 milliards de dollars ?

Bref, le sujet n'est pas encore clarifié, c'est le moins que l'on puisse dire. Normal, diront certains avec raison, concernant un projet qui a été intié il y a seulement quelques mois. Ceci dit, le monde des moteurs bouge actuellement à toute vitesse, s'oriente vers la vidéo, les réseaux sociaux, la personnalisation et bien d'autres voies. De très importants contrats sont signés entre fournisseurs de technologie de recherche et propriétaires de contenus. Quaero saura-t-il éviter le piège de l'inertie inhérente à ce type de projet pour se positionner en véritable challenger de Google ? Je l'espère au plus haut point. Car tout le monde a besoin d'un marché réellement concurrentiel : les internautes, bien sûr, mais aussi certainement Google. On a en effet clairement vu que les récents positionnements de Microsoft et Yahoo! l'ont amené à reprendre du poil de la bête et à revenir sur une voie d'innovation qu'il avait un moment oubliée, peut-être trop préoccupé par son introduction en bourse.

Il ne reste donc plus qu'à transformer l'essai pour Quaero. Ce ne sera certes pas l'étape la plus simple, mais on devrait en tout cas en savoir plus d'ici très peu de temps. Bonne chance à ce projet en tous les cas...

En bon fan d'Astérix, je terminerai ce post par une citation latine : "Quaero uter utri insidias fecerit" (qui signifie : "Je demande qui est celui des deux qui a tendu des embûches à l'autre")...