Le site belge Selectos a dernièrement été la cible d'une action manuelle de la part de Google et s'en est ému publiquement. Au-delà de cette « affaire », que nous apprend cet épisode sur la mise en place, pérenne ou non, d'une stratégie SEO pour nos sites web ?...

Revenons sur les faits : le 12 mars dernier, la société d'origine Belge Selectos publiait un communiqué expliquant que, le 9 mars 2020, le site web de l'entreprise avait été "pris par la patrouille" antispam de Google et que leur site fait désormais l'objet d'une action manuelle de la part du moteur de recherche. Quelques informations sont ainsi fournies dans le communiqué de presse : le trafic du site a connu à cette occasion une chute de 90%, la majeure partie du trafic venant des moteurs, donc de Google.

A noter qu'en complémentarité de cet article, le site Sistrix a publié hier une analyse claire de la situation à plusieurs niveaux : trafic, liens, etc. Nous n'y reviendrons donc pas.

 

Analyse du trafic du site Selectos, avant et après sa pénalité, par Sistrix. Source : Sistrix

Le but ici n'est donc pas d'analyser ce qui a été fait en détail par la société Selectos, ni de juger ces actions (ils ont, je pense, bien compris leurs erreurs et on peut parier qu'ils ne les renouvelleront pas), mais plutôt, à la lumière de ce cas particulier, de réfléchir aux conséquences d'une telle action manuelle sur un site web et, par là-même, sur l'activité d'une entreprise et de ses employés.

 

Baser une activité uniquement sur le trafic Google est un suicide numérique !

Le premier point qui m'est venu à l'esprit lorsque j'ai lu le communiqué de Selectos est le fait que leur trafic, leur stratégie de visibilité était uniquement basés sur le trafic Google. Si lors d'une action manuelle, vous perdez 90% de votre trafic, comme expliqué dans le communiqué de presse, c'est que dès le départ, la vision stratégique de l'entreprise était biaisée et la pérennité impossible. Je l'ai dit à plusieurs reprises ici-même dans le passé : il ne faut pas dépasser les 40 à 50% de trafic "Organic Search" ou, en d'autres termes, il faut que votre activité puisse continuer à vivre (ou survivre) si vous perdez ce trafic "moteurs" pendant une période donnée et temporaire.

La règle n'est pas valable que pour des pénalités (action manuelle, filtre algorithmique) pour spamdexing. En 25 ans de SEO, j'ai rencontré des dizaines (pour ne pas dire plus) de sites web ayant perdu leur trafic Google de façon totale ou partielle à cause d'un tas de raisons diverses et variées : problèmes techniques, migration mal maîtrisée, bug chez Google (cela arrive plus souvent qu'on ne le pense), dommages collatéraux sur des "core updates", arrivée de gros concurrents, stratégie de moteur de réponse de Google, etc. Même si vous êtes plus propre que Mr Propre, vous pouvez perdre votre trafic "moteurs" en tout ou partie, à un moment donné. Il faut en être conscient ! Baser sa stratégie sur du trafic SEO en majorité est un suicide numérique à plus ou moins long terme !. Un point que Selectos, comme beaucoup d'autres sites d'ailleurs, a trop négligé dès le départ de son activité.

 

Suivre les règles. Ou pas ?

Deuxième point qui me semble important : faut-il suivre les règles recommandées par Google en termes de SEO ? Il vous est certainement arrivé de jouer à un jeu de société, comme le Scrabble, le Monopoly ou autre Cluedo. Ces jeux proposent un règlement, des règles édictées sur un document et qu'il faut suivre. Si vous ne les suivez pas, vous risquez d'être éjecté du jeu. C'est ainsi. La notice d'explication du Trivial Pursuit n'est pas "loi", en termes de "règles juridiques". Il n'est pas régi par exemple par le code civil, etc. Il s'agit de règles à suivre, qui ont été édictées par le concepteur du jeu. Si vous les suivez, vous jouez. Si vous ne les suivez pas, vous trichez et vous devez en assumer les conséquences (aller en prison sans passer par la case "départ" ?).

C'est la même chose dans le monde du référencement naturel. Google émet des recommandations aux SEO qui, au fil des années, sont devenues assez claires. On sait donc aujourd'hui où se situe la "ligne jaune" (ou rouge, selon les goûts et les couleurs). A chacun ensuite de passer outre ou pas. Il ne s'agit pas de juger ici untel ou untel, chacun est libre de mettre en place les actions qu'il désire. Un point qui a changé depuis quelques années, c'est qu'on sait, avant de faire quoi que ce soit, si ce qu'on va mettre en place est "autorisé" par les "règles du jeu" ou pas, si c'est "white hat" ou "black hat". Il faut ensuite gérer les risques éventuellement pris.

En créant des liens artificiels (certainement de façon un peu trop "visible"), Selectos a dépassé la ligne jaune et il le savait certainement. S'il ne le savait pas, c'est qu'il avait mal fait son travail au départ, car l'information est disponible partout sur le Web. Donc, dans ce cas, il aurait dû savoir. Mais la tentation du "pas vu, pas pris" est souvent forte. Et compréhensible, car des centaines, des milliers de sites web (et encore, je suis certainement en-dessous de la réalité) mettent en place aujourd'hui des liens factices, ne nous voilons pas la face. Et eux ne sont pas pénalisés. Alors, pourquoi ne pas y aller aussi, puisque c'est presque devenu un standard ? Qui plus est, la stratégie de Google, qui est désormais d'ignorer les liens factices le plus souvent (sauf dans certains cas, comme celui de Selectos), encourage certainement la mise en place d'actions "limites" en netlinking.

Le problème vient donc lorsqu'on se fait "choper par la patrouille". Et encore, une action manuelle, ce n'est jamais agréable, mais in fine, on s'en sort toujours, puisqu'il y a une procédure de réexamen mise en place par le moteur. La situation est bien moins agréable lorsqu'il s'agit d'un filtre algorithmique (historiquement Panda ou Penguin, plus récemment Medic, Florida 2, Bedlam ou autres "code updates" qui ont fait pas mal de dégâts) : dans une majorité de cas, la galère commence et il est parfois difficile (voire impossible) de réparer les pots cassés par la suite…

 

Mettre en difficulté une entreprise... Et ses employés

La réflexion préalable est donc importante et peut avoir des conséquences parfois grave. Lorsque vous travaillez seul et sur vos propres sites web, le fait de passer du "côté obscur de la force" n'implique finalement que vous. Vous jouez, vous gagnez ou vous perdez. Dans les deux cas, vous assumez. Tout dépend finalement du nombre de balles que vous mettez dans le barillet de la roulette russe…

Si vous êtes un freelance ou une entreprise et que vous mettez en place des actions "non recommandées" voire "interdites" par les moteurs de recherche et que vous en avertissez vos clients, et que ces derniers sont pleinement au courant des risques qu'ils prennent, pas de problèmes. Vous jouez, vous gagnez ou vous perdez. Dans les deux cas, vous assumez, vos clients et vous-mêmes, le fait d'avoir voulu changer les règles. La situation est assez similaire à celle du cas précédent.

Si vous avez mis en place des actions "non recommandées" voire "interdites" par les moteurs de recherche et que vous n'avez pas mis au courant vos clients, dans ce cas, c'est différent en cas de pénalité. Vous avez joué, ils ont perdu. Vous risquez donc gros.

De plus, si vous avez mis en place ce type d'action et que vous avez une entreprise derrière vous (pour revenir au cas de Selectos, la société comprend 12 personnes), vous risquez dans ce cas de mettre en difficulté les personnes qui travaillent au sein de votre structure, vos employés. Et là, il s'agira de votre responsabilité. Ce n'est pas rien à assumer !

 

Conclusion : réfléchir à deux fois aux conséquences avant de mettre en place une stratégie SEO

Encore une fois, il ne s'agit ici ni de juger ou blâmer Selectos ou toute autre structure ou site web, ni de jeter l'opprobre sur les gens qui font du "black hat SEO". Chacun, pour moi, est libre de voir le métier selon l'angle qui lui convient (et qu'est-ce qui dit que ma vision est la bonne, d'abord ?). Mais je crois qu'il faut avant tout, lorsqu'on met en place une stratégie SEO :

  1. Bien se documenter sur ce qu'est le SEO et les limites à franchir (ou pas), sur ce qui est "permis" par les moteurs (ou pas). Et aussi sur les techniques qui vous positionnent "un pas avant la ligne jaune jaune, un pas au-delà". C'est tout à fait possible aujourd'hui.
  2. Bien réfléchir aux éventuelles conséquences si vous optez pour des pratiques "limites", voire clairement interdites.
  3. Assumer si vous vous faites prendre par la patrouille.
  4. Et jamais, au grand jamais, être dépendant d'une source de trafic unique, et encore moins celle émanant des moteurs de recherche.

Sur cette base, toute personne empreinte de bon sens pourra prendre les décisions qu'elle juge bonne et pérenne (si la pérennité est l'un des objectifs visés) en fonction de ses objectifs.

Pour terminer, souhaitons par ailleurs à Selectos de sortir rapidement de l'action manuelle en cours au travers de la procédure de réexamen, et de corriger les autres points "sensibles" sur leur site (ils sont au courant). Et surtout de repartir sur de bonnes bases à l'avenir. C'est tout ce que l'on souhaite en tout cas aux 12 employés de l'entreprise…