La presse française continue son bras de fer avec Google, initié depuis bien des années. Désormais c'est l'Autorité de la Concurrence qui donne 3 mois à la firme de Mountain View pour négocier un accord avec les éditeurs et agences de presse pour les rémunérer en échange des informations reprises notamment sur Google Actualités. Mais ce bras de fer est-il réellement équilibré ?

Cela fait des lustres que les éditeurs de presse sont en lutte contre Google, essayant de se faire payer pour les informations dont ils sont la source et qui sont reprises par le moteur de recherche leader, notamment dans son site dédié Google Actualités.

Un nouvel épisode dans cette lutte vient de voir le jour avec l'Autorité de la Concurrence qui donne à Google un ultimatum de 3 mois pour "négocier avec les éditeurs et agences de presse la rémunération qui leur est due au titre de la loi relative aux droits voisins pour la reprise de leurs contenus protégés".

Voici la demande telle que résumée sur le site de l'organisme : "Saisie en novembre 2019 par plusieurs syndicats représentant les éditeurs de presse (Syndicat des éditeurs de la presse magazine, l’Alliance de la presse d’information générale) ainsi que par l’Agence France-Presse (AFP) de pratiques mises en œuvre par Google à l’occasion de l’entrée en vigueur de la loi du 24 juillet 2019 sur les droits voisins, l’Autorité de la concurrence ordonne aujourd’hui des mesures d’urgence dans le cadre de la procédure de mesures conservatoires. L’Autorité a estimé que les pratiques de Google à l’occasion de l’entrée en vigueur de la loi sur les droits voisins étaient susceptibles de constituer un abus de position dominante, et portaient une atteinte grave et immédiate au secteur de la presse.

Elle enjoint ainsi à Google, dans un délai de trois mois, de conduire des négociations de bonne foi avec les éditeurs et agences de presse sur la rémunération de la reprise de leurs contenus protégés. Cette négociation devra couvrir, de façon rétroactive, les droits dûs à compter de l’entrée en vigueur de la loi le 24 octobre 2019."

Le combat n'est pas récent et les mêmes questions se posent de façon récurrente : est-il décent que les organismes de presse réclament un paiement à Google alors que ce dernier leur renvoie un trafic qui leur permet de (sur)vivre ? En effet, sans le trafic apporté par Google, la plupart des sites de presse mourront, c'est une certitude au vu de leur niveau de dépendance par rapport au volume de visites drainé par les outils de l'entreprise américaine. Avouez qu'on trouve mieux comme situation équilibrée en termes de bras de fer…

Google peut-il arrêter son site de recherche d'actualités en France ?

Et la situation reste la même : si les sites de presse continuent à demander un paiement pour l'utilisation de leurs contenus et si la législation contraint la firme de Mountain View à les rémunérer, Google arrêtera le site Google Actualités en France, comme il l'a déjà fait en Espagne. Et coupera le robinet à trafic aux sites de presse qui se retrouveront alors dans une situation plus que problématique au niveau économique.

Arrêter Google Actualités en France ne devrait pas poser beaucoup de problèmes à Google, puisque cet outil, vierge de publicités, ne lui rapporte que très peu d'argent. L'impact risque donc d'être plus que déséquilibré, en défaveur de la presse française, si la situation s'enlise. Car Google ne peut pas se permettre de payer les sites qu'il utilise sur son site d'actu, cela créerait une jurisprudence qui pourrait s'étendre sur tous les sites indexés sur cet outil, voire sur son moteur de recherche web, ce qui est clairement impensable en l'état actuel des choses…

Du côté du moteur de recherche, on déclare par la voix de Richard Gingras, vice-président chargé des actualités chez Google : "Nous discutons avec un grand nombre d'éditeurs de presse afin d'accroître notre soutien et nos investissements au profit du secteur de la presse. Nous nous conformerons à la décision de l'Autorité de la concurrence, que nous sommes en train d'analyser, tout en poursuivant ces négociations".

Bref, l'affaire est à suivre de près car ses implications peuvent être importantes, non seulement sur les moteurs de recherche, mais également sur le Web entier… À notre avis, il y a bien peu de chance qu'elle aboutisse en faveur des organismes de presse français, mais allez savoir…

L'explication des droits voisins. Source : Autorité de la Concurrence

Mesures demandées à l'encontre de Google. Source : Autorité de la Concurrence