Interview des experts : 

Réponses obtenues entre le 8 et le 13 mars 2024.

Avec la nouvelle politique anti-spam de Google, qui sera visiblement mise en place le 5 mai 2024, nous avons souhaité recueillir l’avis de plusieurs experts français du netlinking. Cette politique, liée à la Spam Update actuellement en cours, s’attaque entre autres au contenu tiers abusif, c’est-à-dire des pages sponsorisées ou publicitaires produites sans implication du site hôte. Ça ne vous semble pas très clair ? C’est exactement pour ça que Régis Stéphant, Sylvain Delaporte et Damien Oulagnon décryptent et donnent leur avis sur ce changement qui peut affecter votre stratégie SEO.

Disclaimer : les points de vue partagés par les experts dans cet article sont entièrement les leurs.

Les 6 points à retenir : 

  • Cette nouvelle politique est une façon de répondre aux critiques des internautes sur la détérioration des contenus ; 
  • La frontière semble mince entre les contenus tiers “abusifs” et “non abusifs”, ce qui nécessite une certaine prudence ;
  • Les sites de faible qualité, avec des publications en auto-validation sont à proscrire (et pas seulement du fait de cette politique) ; 
  • Un bon article sponsorisé est un article sérieux, légitime sur le site sur lequel il est hébergé, bien maillé et qui répond à l’intention de recherche. Et indexé, bien sûr !
  • Les 3 experts ne recommandent pas de bloquer l’indexation de ces contenus ;
  • D’autres méthodes peuvent être mises en œuvre pour gagner en popularité : branding, réseaux sociaux, newsletter, etc. 

1) Est-ce que tu peux nous donner ton avis sur la nouvelle politique anti-spam liée au contenu tiers abusif, publié généralement sous forme d'article sponsorisé ? 

Régis S. - Tout d'abord, c'est une grosse campagne de communication comme Google en a rarement fait, à la manière d'un Mobilegeddon. De la même manière, on y retrouve une part misant sur l'effet d'annonce pour faire changer les comportements. Et je ne serais pas surpris que ce soit complété par quelques exemples, histoire de montrer que ce n'était pas du flan, avec son traditionnel lot de faux positifs, cruciaux pour les concernés mais anecdotiques pour le moteur. Cette communication s'adresse aussi aux utilisateurs, une manière de répondre aux critiques sur la détérioration des contenus. Même si nous savons bien que la cause impute avant tout à Google. 

Concernant ce qui est écrit concernant les articles sponsorisés, et bien je ne vois rien de nouveau. Un site d'une certaine thématique qui publie un article casino, ça c'est de l'exemple. Concrètement, il faut inverser le raisonnement et se demander comment les updates on-site peuvent agir sur ces sites d'éditeurs. C'est un vrai carnage depuis 1 an déjà. Les liens qu'ils portent ne valent pas grand chose. Mais les liens sur les sites mono thématiques, ou généralistes mais bien construits, avec un semblant de ligne éditoriale, de personnalité, n'ont pas subi les foudres des précédentes updates, eux. La taille du site fait parfois illusion, certains sites fourre-tout n'ont pas les bonnes pratiques mais n'ont pas atteint une taille suffisante pour souffrir d'une Helpful Content Update. Il y a tellement de choses à dire... 

Concernant les expirés, c'est quelque chose dont je parlais déjà l'an passé. Leur usage en changeant la thématique est peine perdue, Google met de moins en moins de temps à recalculer les liens antérieurs et donc couper le jus si la thématique ne matche pas. Il y a aussi la notion d'URL antérieures qui, si elles ne sont pas reprises mais redirigées en masse, peuvent changer le comportement du moteur. 

Les annonces de Google visent aussi beaucoup ce qui se fait appeler “parasite SEO”, très présent dans les pages de résultats. C'est un biais utilisé par certains SEO, lui-même créé par Google en donnant beaucoup trop d'importance aux gros acteurs. Cette prise de conscience est avant tout une bonne chose, car elle ne peut que limiter le poids irrationnel de certains domaines de ces derniers mois. 

Sylvain D. - Je dirais que la frontière est mince d'après la communication de Google entre ce qui est "abusif" et ce qui ne l'est pas. C'est-à-dire que si dans certains cas cela peut paraître évident (j'y reviendrai), dans de nombreux autres, il peut être difficile, voire impossible, de déterminer si un contenu est porté par l'éditeur lui-même ou via une "commande" ou une volonté d'un tiers. À partir du moment, évidemment, où ce dit contenu est bien intégré sur le site. 

En effet, la navigation web se fait de lien en lien, il est donc tout à fait logique et pertinent pour une entité comme Google de juger normal pour un éditeur d'orienter un visiteur vers un contenu tiers, je dirais même que c'est l'essence même du web.

Alors effectivement, il est incohérent de traiter d'un sujet sans rapport avec la thématique de son site (comme Google l'a rappelé), de même qu'il est incohérent de traiter un sujet sur un angle inhabituel (tournure de phrase, ton différent) ou encore qu'il est incohérent de publier de manière excessive des articles contenant des liens externes quand le site n'en proposait pas jusqu'alors. On pourrait allonger ainsi la liste des anomalies statistiques que peut apporter la création d'articles sponsorisés mal intégrés. 

Damien O. - Ce n’est qu’une mise à jour de plus. Le lien étant au cœur de l'algorithme de Google, elle a, pour moi, vocation à jouer sur la peur des éditeurs comme des annonceurs. Cette nouvelle mise à jour est dans la continuité de ce que nous avons vécu fin 2023. Google cherche à ce que les contenus soient les plus pertinents possibles et que, nous autres, SEO, puissions moins exploiter les failles du moteur.

Aussi, le contenu tiers comme le définit Google n’est pas un contenu qui pousse puisqu’il est complètement hors sujet au site ou à la catégorie dans laquelle il se trouve.

Néanmoins, avec ce type d’update, le travail des éditeurs de sites se doit d’être plus fin et plus poussé. Le point qui amène à une certaine vigilance concerne la désindexation complète du site, ce qui pourrait faire basculer de nombreux business.

2) Selon toi, qu'est-ce que ça change pour la publication d'articles sponsorisés en 2024 ? Et à quoi faudra-t-il faire plus attention désormais ?

Sylvain D. - D'abord, je rappelais que depuis longtemps, les sites qui ouvrent facilement leurs portes pour du lien sponsorisé (donc payant) via des publications en auto-validation sont à proscrire. 

Ensuite, pour faire les choses correctement, la rédaction de contenu doit se penser selon le site sur lequel est prévue la publication. Dans ce schéma de réflexion, deux mondes s'affrontent : 

  • Ceux qui pensent qu'il faut laisser rédiger l'éditeur, car il le fera dans la continuité de ses publications,
  • Ceux qui préfèrent proposer leur article qui aura été chouchouté avec les bons mots-clés et la maîtrise du sujet (forme, fond...).

Si les deux peuvent se valoir, selon moi ce travail s'étudie en amont et selon le site en se posant plusieurs questions :  

  • Quelles ont été les précédentes publications sponsorisées ; étaient-elles de qualité, s'agissait-il de contenu IA de mauvaise qualité ? (à penser dans le cas d'une publication laissée au soin de l'éditeur) 

Travail d'autant plus important qu'il ne faut pas oublier que parfois (souvent) les éditeurs proposant leur propre contenu le font comme un complément de revenu et délaissent la qualité de ce type d'article pour pouvoir se concentrer sur leur cœur de métier (quand il ne s'agit pas de leur activité principale...). 

  • Comment sont généralement rédigés les articles, comment sont traités les sujets, sous quel angle et quel ton… ? (à penser dans le cas d'une publication que l'on produira) 

Demain, un article pourra (c'est même déjà le cas) ne rien transmettre car trop peu qualitatif. On le voit déjà avec les problèmes d'indexation et notamment pour des articles sponsorisés. Forcer leur indexation ne résout pas le problème. Google n'en voulait pas et leur passage dans l'index ne changera pas grand-chose si d'autres actions ne sont pas mises en place. 

Damien O. - Pour moi, ce qui change en 2024 c’est que la rédaction d’articles sponsorisés, puissants et qui se positionnent, devient plus compliquée ou plus professionnelle. Écrire sur tout type de sujet, sans réelle cohérence ou sans cluster concret, se complique.

En effet, on ne peut plus passer d’un sujet à un autre dans une catégorie du type “divers” si ces derniers n’ont rien à voir ensemble.

Aussi, par le passé, des articles qui traitaient de sujets avec des intentions commerciales arrivaient à rentrer dans les SERPs. C’est aujourd’hui beaucoup plus difficile. Il faut être un peu plus fin pour pouvoir proposer des sujets informationnels qui se rapprochent au plus du du sujet commercial recherché (sujet pour lequel le client final achètera).

Finalement, l’éditeur de sites devra se rapprocher d’une pensée proche de celle qu’il aurait s’il devait faire du maillage interne, avec un blog, sur le sujet du client.

Régis S. - Si vous faisiez les choses bien avant, ça ne change rien. Il faut éviter les sites qui consacrent une rubrique ou un répertoire aux articles sponsorisés. Si vous êtes éditeur, n'allez pas ajouter un encart sur votre site qui liste les derniers articles sponsorisés, ce serait un terrain glissant. Et si vous êtes acheteur, il faut absolument faire attention à ce que votre article soit intégré à la ligne édito. Ce qu'il fallait déjà faire avant pour que son article reste plus sûrement indexé dans le temps !

3) Quelles sont tes recommandations pour un "bon" article sponsorisé ?

Damien O. - Un article sponsorisé, aujourd’hui, c’est un article qui a vocation à renvoyer du jus à la page linkée mais qui cherche aussi à traiter sérieusement son sujet. C’est un article qui se trouve sur un site ou dans une catégorie très bien thématisée.

C’est un aussi un article qui reçoit des liens internes, des liens qui proviennent de pages qui complètent le sujet qu’il traite dans l’article sponsorisé.

Finalement, c’est un article qui, pour Google comme pour l’internaute, est considéré comme légitime et sérieux.

Régis S. - Si l'objectif est SEO, alors un bon article sponsorisé devient bon s'il s'indexe naturellement et reste indexé, sinon il ne sert à rien ou presque rien. Et pour cela, il faut répondre aux attentes du moteur de recherche. Il faut donc répondre à l'intention de recherche et viser une intention. En d'autres termes, cela peut être un article Avis sur un produit du client de l'article sponsorisé. Cela peut aussi être un article qui chercherait à se positionner sur une requête informationnelle, mais qui ne soit pas déjà traitée partout sur le web. Le tout pour un article sponsorisé qui pourra s'inscrire dans le temps dans l'index de Google.

Enfin, il faut qu'il s'intègre bien dans le site ou la catégorie du site où il est ajouté. Il ne doit pas tomber comme un cheveu sur la soupe, et il doit contribuer à un maillage interne logique. Il peut rebondir sur de précédents articles, ... sincèrement, c'est ce que tout blogueur qui tient à son site ferait. 

Sylvain D. - Sortir du schéma basique du contenu textuel de 500 mots avec une image à la une sera déjà un grand pas ! Adapter le template (format de l'article à minima) au sujet de l'article : un top demandera X images, des conseils demanderont peut-être une vidéo, de l'actu demandera de la preuve sociale... 

Il faut aussi se rappeler que le netlinking ne se limite pas à un lien au milieu d'un contenu. Un profil de lien varié est important, cela passera par les liens de forum, les liens partenaires, annuaires qui ont toujours du sens aujourd'hui.

4) Google recommande de bloquer l'indexation de ce type de contenu avant la mise en application de cette politique, le 5 mai 2024. Est-ce vraiment nécessaire d'après toi ?

Régis S. - Déjà, tous les sites concernés, à commencer par les grands médias, ne pourront pas le faire pour des raisons contractuelles. Ensuite, cela n'a aucun sens. Si l'article est bloqué, alors il n'y a plus d'acheteur, et donc plus d'articles à bloquer. Un éditeur qui hésiterait déjà à bloquer des contenus, c'est un éditeur qui n'est pas fier de ce qu'il publie, il faut donc remettre sa stratégie en question. 

Damien O. - Personnellement, je ne toucherais à rien. D’une part, la non-indexation n’empêchera pas le crawl et on ne sait pas comment Google analysera l'entièreté du site et d’autre part, je ne pense pas que Google soit à même d’identifier (sans erreur) ce type de contenu. Et si désindexer ou modifier ces contenus pendant cette période pouvait amener Google à mieux comprendre ce qu’il cible alors ce serait une erreur.

Sylvain D. - Google a communiqué sur de nombreux points ces dernières semaines, il s'agit d'un jeu du chat et de la souris depuis de nombreuses années. Ce qu'il en reste, c'est que la popularité est toujours un élément clé de l'algorithme et que les sites en ont besoin pour se rendre visible face aux gros acteurs toujours plus mis en avant à chaque Update. Il faut donc être plus malin et ne pas oublier que le lien entre sites est la base du Web. Cela ne deviendra jamais suspect que de citer une source, à partir du moment où cela est correctement intégré 😉. 

5) Si Google devient plus exigeant quant aux articles sponsorisés, est-ce que d'autres méthodes sont plus sûres mais tout aussi efficaces pour booster sa popularité ?

Damien O. - Plutôt que de faire des articles sponsorisés ou des liens classiques, il est possible de se tourner vers le lien positionné. Il y a également diffusion de jus et partage de popularité mais nous partons d’articles déjà “validés” par Google et ne sommes plus dans un contexte de contenus tiers.

Une autre solution fiable qui gagne de plus en plus de terrain dans les stratégies de popularité est l’achat de trafic. Ce dernier doit être pensé pour Google mais peut être un réel plus dans une stratégie SEO/de popularité.

Pour finir, devenir une “vraie marque” pour un site éditeur est aussi une solution. Par “vraie marque”, nous entendons avoir des réseaux sociaux, faire de vrais tests produits (avec des screenshots d’une application, par exemple, si nous sommes sur de l'high-tech) ou encore jouer sur le personal branding afin de renvoyer des signaux sociaux positifs.

Régis S. - L'article sponsorisé n'est pas synonyme de netlinking. C'est une branche du netlinking. Il faut donc aussi obtenir des liens par d'autres moyens que cela, sans oublier que le netlinking est lui aussi une partie de votre stratégie SEO. C'est un tout qu'il faut développer. 

Si c'est déjà votre cas, continuez, mais développez votre connaissance en matière de netlinking afin de comprendre que ce n’est pas un outil qui vous dira si un lien est qualitatif ou pas. Même si le bon sens est l'ennemi de la science, il permet de limiter pas mal d’erreurs en matière de backlinks. 

Sylvain D. - La popularité n'est plus depuis plusieurs années le seul fait de faire du lien entre sites. On peut désormais parler de popularité au sens global. A savoir, présence sur les réseaux sociaux, branding, partage, newsletter, autant de présence susceptible d'apporter du trafic sur le site. Trafic de plus en plus "écouté" par Google pour s'assurer de la légitimité d'un site sur sa visibilité dans les moteurs de recherche.

Parenthèse sur l’avenir du netlinking : d’après moi, il restera un facteur clé de la popularité d'un site. Selon ses dires, Google serait en train de devenir plus exigeant, il va falloir être de plus en plus rigoureux sur ces sujets. Il a déjà fait le choix depuis plusieurs années (après Penguin en 2012) de ne plus transmettre la popularité depuis des sites suspects. Je rappelle à toutes fins utiles qu'un lien simple "suspect" pour Google ne pénalise pas le site qui le reçoit. 

Si de vraies mesures viennent à être prises côté Google, il faudra de plus en plus se tourner vers l'analyse de l'efficacité d'un lien depuis un site donné (le Graal pour de nombreux spécialistes du netlinking, tant les biais sont nombreux). Il n'est pas à exclure toutefois qu'un nettoyage soit réellement opéré sur le site dédié à la vente de liens car les points de convergence entre tous ces sites sont relativement faciles à identifier. Il faudra donc être plus rusé en proposant par exemple des sites avec de réels objectifs d'existence. 

Enfin, les risques sont relativement limités côté annonceur, sinon à dépenser son argent pour rien si les sites ne sont pas finement choisis... Pour éviter que cela n'arrive, il existe suffisamment d'acteurs qualifiés dans le linking pour choisir les bonnes solutions. 

6) Que penses-tu d'une plateforme listant en clair tous les sites éditeurs, sans contrôle à l'entrée de l'utilisateur ou client ?  

Régis S. - En tant que boomer du SEO, je n'ai jamais eu la moindre crainte vis à vis des algorithmes de Google, mais plus envers les gens. Une liste de sites qui vendent du lien qui circulerait sur un Google Sheet, ou une plateforme qui listerait les sites présents sur toutes les plateformes, je trouve cela dangereux. Il ne reste alors que quelques clics mal intentionnés pour voir ces sites sanctionnés. Les clients et les plateformes ont besoin des éditeurs, en tout cas, les clients qui font de l'article sponsorisé. Attention à ne pas avoir la mémoire courte.

Et le contexte actuel est très propice à cela. En effet, la communication de Google mise avant tout sur l'aspect psychologique et la peur. L'étape d'après, c'est de faire un exemple avec une vague de pénalités, certes minimes à l'échelle de la pratique du netlinking quasi généralisée, mais qui aurait un impact fort auprès des clients finaux dans leur confiance en l'achat de liens ou l'obtention de liens de manière générale. Et pourtant, bien faits, les liens marchent toujours autant.

Damien O - C’est quelque chose dont je ne suis pas fan. J’ai toujours été attentif à la protection des éditeurs et des réseaux de sites éditeurs. Google n’aime pas que l’on manipule son algorithme et c’est ce qu’il prouve avec ces nombreuses mises à jour. Le risque ne serait pas que Google le découvre car, pour moi, il n’en a pas les moyens mais sur le web il y a de nombreuses personnes mal intentionnées.

Côté client comme éditeur, la concurrence est rude et il serait facile de dénoncer que tel client a acheté sur tel site ou encore que tel site fait partie de tel réseau. La question n’est, finalement, pas de rendre visible ou non les sites mais de laisser le choix aux éditeurs ou de le faire avec parcimonie.