Sur Dragon Metrics, Sarah Presch pose la question de la responsabilité des professionnels du SEO dans la propagation du phénomène de désinformation au sein de moteurs de recherche dont le fonctionnement tend à confirmer les croyances parfois erronées des internautes.

Les biais cognitifs en question

Les biais cognitifs sont des erreurs de réflexion, souvent ignorés, qui impactent la capacité à porter des jugements rationnels. Raccourcis mentaux touchant tout le monde, sans exception, ces biais permettent à l’être humain de prendre des décisions rapidement, souvent en dépit de la rationalité. Sarah Presch s’attarde notamment sur le phénomène de catégorisation et la théorie de l’identité sociale. Théorisée par le psychologue Henri Tajfel, l’identité sociale affirme que les personnes disposent d’une identité sociale, en plus de leur identité personnelle.

Liée à l’estime de soi, l’identité sociale pousse les gens à se catégoriser eux-mêmes et à catégoriser les autres dans différents groupes sociaux. Il y a ceux que l’on aime car perçus comme appartenant au même groupe et ceux vers qui l’on ressent de l’aversion car perçus comme différents. Un mécanisme qui entraîne des comparaisons et la création de stéréotypes, et peut conduire à des situations conflictuelles catastrophiques.

Le cas des biais de confirmation

Biais cognitif parmi les plus communs, le biais de confirmation est cette tendance naturelle à rechercher, interpréter et mémoriser des informations qui confirment nos croyances existantes. Par conséquent, tous les faits et évidences qui entrent en contradiction avec ces croyances tendent à être ignorés ou rejetés, car source d’inconfort important.

Les SEO ne pensent jamais vraiment à l’impact à long terme du contenu créé, se concentrant plutôt sur la production de masse et l’augmentation de la présence en ligne. Cette tendance, accentuée par l'IA, a toutefois des conséquences bien réelles.

Sarah Presch prend l’exemple des débats autour de la vaccination pendant la pandémie de Covid. Des études ont ainsi révélé que 41 % des parents en quête d’informations ont utilisé internet pour s'informer et que ceux ayant choisi de ne pas faire vacciner leur enfants sont plus susceptibles d’avoir trouvé des informations en ligne.

En général, on considère qu’une personne à la recherche d’une information va effectuer sa recherche sur un moteur de recherche, parcourir les SERP, puis explorer les différents sites jusqu’à trouver ce qu’elle veut. En réalité, ce processus est alimenté par un biais de confirmation. Ainsi, lorsqu’il s’agit de sélectionner les informations à consulter, les personnes choisissent uniquement les sources en fonction de leurs valeurs et objectifs personnels, ce qui peut les pousser à consulter des sites non pertinents pour rechercher des informations qui viennent confirmer leurs convictions. Ajoutons à cela le fait que les utilisateurs ont tendance à partager des informations sans en vérifier la crédibilité et souvent dans le but d’affirmer leur identité sociale.

Le biais de confirmation à l'oeuvre - Source : Dragon Metrics

Le rôle de Google dans la propagation de la désinformation

Comme le fait remarquer Sarah Presch, le développement d’internet a donné naissance à une pléthore d’informations non contrôlées, qui peuvent être partagées à grande échelle. L’autrice a elle-même réaliser des expériences afin d’explorer le lien entre les biais de confirmation et les recherches en ligne, et notamment si le fait de formuler un mot-clé d’une certaine façon pouvait donner des résultats différents. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que la différence est considérable !

L’une des expériences menées a consisté à effectuer des recherches sur le lien entre le café et l’hypertension

  • La première requête, « aucun lien entre le café et l’hypertension », donne des résultats qui confirment l’idée qu’il n’existe pas de lien entre la consommation de café et l’hypertension.
  • La deuxième requête, « lien entre le café et l’hypertension », met en avant une information indiquant que la consommation de café peut provoquer une hausse brève, mais élevé de l’hypertension.

Détail qui a son importance, les deux informations a priori contradictoires sont issues de la même URL.

Autre expérimentation, le prétendu lien entre le sucre et le TDAH (trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité), qui a été démenti depuis longtemps.

  • La première requête, « le sucre provoque-t-il le TDAH », aboutit sur un avertissement de Google (« le sucre ne provoque pas de TDAH »)… aussitôt contredit par un extrait indiquant que les personnes qui mangent plus de sucre présentent davantage de symptôme en lien avec le TDAH. Comme l’indique l’autrice, les personnes auront tendance à ignorer l’avertissement de Google et s’en tenir à l’information qui confirme leur croyance.
  • La deuxième requête, « TDAH non causé par le sucre », aboutit sur le même avertissement de Google, cette fois-ci suivi d’un extrait affirmant que les études ont trouvé peu ou pas de preuve que le sucre influence le TDAH…

Là encore, les deux informations sont issues de la même URL.

Quelle solution adopter pour lutter contre les biais de confirmation ?

En attendant que Google fasse plus en matière de lutte contre la désinformation, il existe plusieurs approches qui peuvent aider à freiner le phénomène :

  • Nudging : guider les gens vers des sources d’informations plus réputées via des avertissements et des liens ;
  • Tests : certains médias ont mis en place des tests que les internautes doivent passer avant d’être autorisés à commenter un article afin de s’assurer qu’ils ont lu ce dernier en intégralité ;
  • Lois : certains pays ont adopté des lois pour pousser Google et les grosses entreprises technologiques à lutter davantage contre la désinformation.

De leur côté, les référenceurs ont également un rôle crucial à jouer :

  • En sélectionnant des sources de qualité et en vérifiant leurs contenus.
  • En s’éduquant afin de prendre conscience de leurs biais de confirmation.
  • En comprenant le fonctionnement des algorithmes d’un point de vue psychologique.
  • En évaluant la qualité des sites web au lieu de se contenter de copier les contenus.
  • En réfléchissant à la manière dont les mots-clés sont formulés afin d’éviter d’alimenter la désinformation.
  • En faisant appel à des rédacteurs qualifiés et experts dans leur secteur.
  • En réfléchissant à deux fois avant de déployer des stratégies de contenu IA.
  • En sensibilisant les équipes sur ces problématiques.