Pendant que la Communauté européenne tergiverse, le Sénat vote une loi contre la position dominante de Google

Cela fait plus de 5 ans que les procédures pour abus de position dominante de Google s'accumulent à Bruxelles sans succès et sans qu'aucune décision ne soit prise. Pendant ce temps, cette semaine, les sénateurs ont voté en France un amendement pour interdire aux moteurs de recherche (donc Google) de mettre en avant ses propres services dans les résultats de recherche. Comme quoi, c'est parfois possible de prendre des décisions rapidement...

De nombreux acteurs européens se posent actuellement des questions sur la lenteur de la prise en compte par la Communauté européenne des plaintes pour abus de position dominante de Google. Depuis des années, les mêmes discours sont portés aux oreilles des édiles européens sans que rien ne se passe. La force du lobbying de la part de la société de Mountain View ou l'inertie d'une institution dépassée par les événements ?

Dans cette optique, Margrethe Vestager, commissaire européenne à la concurrence, disait dernièrement au JDN que, concernant Android par exemple, Google avait jusqu'au mois de juillet pour proposer "des engagements concrets, et aura à payer une amende s'il ne s'y tient pas, soit il rejette tous les griefs et encoure alors une lourde amende, qui pourra atteindre jusqu'à 10% de son chiffre d'affaires global.".

Mais on peut parier que Google va encore faire trainer l'affaire en faisant des propositions qui ne satisferont pas complètement Bruxelles, qui demandera des clarifications, etc. Et en fin d'année, il ne se sera toujours rien passé. On est prêt à prendre le pari...

Pendant ce temps, en France, le Sénat vote...

Pendant que la Communauté européenne courait sans fin derrière sa queue, la Sénat a voté jeudi (contre l'avis du gouvernement, notons-le...) un amendement au projet de loi numérique d’Axelle Lemaire pour obliger Google à ne plus favoriser ses propres services dans ses résultats de recherche. Le texte est assez clair à ce niveau : "Le fait pour les services de moteurs de recherche généralistes et horizontaux de l'internet tels que définis au premier alinéa, dès lors qu'ils sont en situation de position dominante au sens de l’article L. 420-2 du code de commerce, de favoriser leurs propres services ou ceux de toute autre entité ayant un lien juridique avec eux, dans leurs pages de résultats de recherche générale, en les positionnant et en les mettant en évidence indépendamment de leur niveau de performance est constitutif d’une pratique prohibée par les articles L. 420-1 et L. 420-2 du code de commerce.".

La sénatrice Catherine Morin-Dessailly, qui défendait cet amendement, a ainsi déclaré : "l est fondamental que des obligations spécifiques s'attachent au statut du moteur de recherche, et avant tout d'assurer que de tels services soient neutres dans leur référencement et leur classement dès lors que le moteur de recherche est en position dominante sur le marché ". Léonidas Kalogeropoulos, Délégué Général de l'OIP (Open Internet Project), complète : "Avec une telle disposition, la France peut se doter d'un instrument efficace pour défendre rapidement ses entreprises numériques face aux pratiques de géants de l'Internet qui menacent leur avenir. Ce nouvel instrument, qui n'empiète en rien sur les compétences européennes, permet de se donner des moyens de restaurer une souveraineté numérique, dans la droite ligne des objectifs affichés par le Projet de loi pour une République numérique". Axelle Lemaire, de son côté, s'est évertuée à expliquer aux sénateurs qu'il fallait laisser faire la Communauté européenne sur ce plan. Pourtant, on voit bien que le résultat après tant d'années de procédures à ce niveau est proche du néant (notamment grâce au peu d'entrain de Joaquin Almunia, prédécesseur de Margrethe Vestager à cette époque)...

Rien ne dit, bien sûr, que cet amendement voté par le Sénat changera les choses de façon drastique en France, mais il s'agit au moins d'un geste fort pour faire avancer la situation dans l'Hexagone. Et montrer le chemin à Bruxelles ?

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Google et la Commission européenne...
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