La rumeur courrait sur le Web francophone depuis plusieurs semaines déjà. La nouvelle a été rendue officielle la semaine dernière notamment avec les articles du Journal du Net, du Monde Informatique et de ZDNet : plusieurs sociétés de référencement françaises, dont Netbooster, Absolute Référencement, Refposition et d'autres ont été victimes d’un double « traitement de faveur » de la part de Google : leur site affiche un PageRank de 0 et les pages de leurs sites ont été exclues de l’index du moteur. Il semble également que les sites de certains de leurs clients soient touchés.

Pourquoi ce déréférencement ?

D’où ce problème peut-il venir ? Quelle peut être la cause de cette situation ? A priori, on peut entrevoir trois réponses à ces questions :

- Un bug de Google. Sachant que les phénomènes de sites web disparaissant de l’index du moteur leader sont aussi anciens que le moteur lui-même, c’est une version qui peut sembler plausible. Mais deux événements ne jouent pas en faveur de cette vision : tout d’abord le fait que les PageRank des sites aient été réduits à néant et le fait que, dans le même instant ou presque, plusieurs sociétés de référencement soient « frappées ». Peu de chance, donc, pour que ces « déréférencements » soient l’œuvre d’un hasard malheureux...

- Un acte de malveillance de la part des concurrents de ces sociétés. La possibilité de faire disparaître un site web de l’index de Google par le biais d’une action malveillante est certes un vieux serpent de mer du milieu du référencement, mais on ne peut rejetter à 100% l’hypothèse que quelqu’un ait trouvé comment faire. Pourquoi pas, après tout ? Mais cela semble peu probable, car on ne voit pas très bien comment cela serait techniquement possible... Et on imagine que Google est très vigilant à ce sujet.

- Une action de « blacklistage » de la part de Google qui aurait estimé que ces sociétés aurait exagéré et dépassé les bornes et les limites de ce qu’il est permis de faire, dans le domaine de la lutte contre le spam de son index.

Après avoir contacté Google et sans réellement obtenir de réponse précise quant aux cas cités ci-dessus (seule réponse pour l’instant de la part du moteur de recherche : « Google may temporarily ban from its index any site that engages in spamming or such other tactics to distort their rankings »), il semble cependant probable que la troisième solution soit la bonne. En tout cas la plus probable.

Ceci m’inspire quelques réflexions qui nous semblent devoir être énoncées avec un peu de recul, sans s’arrêter pour autant aux seuls cas de cette « affaire »...

Un événement inéluctable ?

Cette disparition était-elle annnoncée ? Peut-être, après tout, car les moteurs de recherche - Gooogle comme les autres - ont toujours , depuis des années, laissé se développer certaines pratiques sans donner aucune indication sur ce qu’il était « interdit » de faire. Les indications fournies par Google sur son site ne sont pas assez explicites pour cela. On comprend bien que les outils de recherche ne s’étendent pas sur ce qui serait autorisé - donc détourné dans la minute qui suit - mais plus d’indications sur les frontières à ne pas franchir auraient certainement empêché certains de les transgresser. J’avais travaillé, il y a quelques années de cela au sein de l’IPEA, à une charte de déontologie du référencement qui, si elle était certes incomplète et comportait de nombreux défauts, avait au moins le mérite d’exister et donnait quelques indications aux référenceurs sur ce qu’il était interdit de faire sous peine de sanctions (relire cette charte aujourd'hui donne d’ailleurs, peut-être, quelques indications sur les raisons de la colère actuelle de Google...). Après tout, pourquoi ne pas profiter de cette « affaire » pour remettre à flot cette charte et donner un vrai cadre de déontologie au métier de référenceur, avec contrôles et sanctions à la clé pour ceux qui ne la respectent pas ? Mais Google le veut-il vraiment ?

Une situation qui profite à Google ?

Google vit de la publicité et notamment des liens AdWords qui s’affichent sur ses pages de résultats. Google a toujours fait son credo de sa volonté de proposer un index « propre » aux internautes. Il a toujours refusé de mettre en place une offre de référencement payant (feed XML) comme le font ses concurrents, et notamment Yahoo!. On peut comprendre que le moteur de recherche n’apprécie pas que des sociétés fassent de l’argent en essayant de « manipuler » (le terme n’est pas péjoratif dans mon esprit) ses algorithmes de recherche. Peut-on estimer que moins les entreprises françaises - et mondiales - mettront d’argent dans le référencement « manuel », plus elles achèteront des AdWords ? Est-ce le raisonnement de Google, qui ne voudrait alors pas « partager le gâteau » avec les sociétés de référencement ? Nous ne pouvons pas le garantir, mais c’est une interprétation possible...

Pourquoi en est-on arrivé là ?

Une autre question que l’on peut se poser concerne l’ « état de l’art » de la création de sites web actuellement dans l’Hexagone. On le sait, le référencement le plus pérenne, le plus efifcace, consiste à optimiser son site à la base, les pages mêmes du site - bons titres, bon texte, bons liens, bonnes URLs - , sans passer par des « rustines » comme des pages satellites ou autres techniques, certes efficaces - en tout jusqu’à il y a peu - mais très risquées à moyen terme. On en a la preuve aujourd’hui.

Quel constat peut-on tirer dans ce domaine aujourd’hui ? Que la situation n’a jamais été pire. Que quasiment 95% des sites web aujourd’hui livrés aux clients ne tiennent absolument pas compte des moteurs de recherche, les pages web n’étant pas optimisées et les critères bloquants - Flash, sites dynamiques, identifiants de session - étant légion sans aucune prise en compte des solutions, pourtant disponibles, permettant de rendre ces sites « visibles ». Bref, on créé des sites web qu’on « jette en pature » à des référenceurs en leur disant le plus souvent « débrouille-toi ». Ou pire encore : « débrouille-toi, mais surtout sans toucher au site ». Est-ce vraiment sérieux ? Que peuvent donc faire les sociétés de référencement dans ce cas ? Leur seule solution consiste alors à développer des « rustines » et risquer de tomber dans les oubliettes, puisqu’ils ne connaissent pas les règles du jeu, de toutes façons non édictées par les moteurs...

Après tout, cette « affaire » fera peut-être prendre conscience aux entreprises françaises que le volet « référencement d’un site » doit s’inclure dans le cahier des charges au moment de la réalisation du site web, pas après sa mise en ligne...

Les sociétés de référencement n’ont-elles pas, elles non plus, un rôle important à jouer en développant des activités de conseil autour de l’optimisation de sites web auprès des web-agencies et des grandes entreprises ?

Quelle conlusion ?

Quelles conclusion peut-on tirer de cette « affaire » ? Tout d’abord que, au niveau économique, la pilule risque d’être difficile à avaler pour les sociétés de référencement, surtout s’il avère que certains de leurs clients ont été également touchés par les sanctions du moteurs. Et lorsqu’il y a des emplois à la clé, ce n’est jamais une bonne nouvelle...

Mais également que la situation serait certainement plus viable et plus simple à gérer pour tout le monde si les moteurs de recherche faisait un réel effort de communication et de transparence au sujet de leurs chartes de qualité et de leurs critères de spam. Tout cela pour éviter que ce qui est arrivé ici ne se reproduise à l’avenir sur d’autres sites.

Enfin, troisièmement, qu’il est évident qu’un énorme effort reste à faire pour prendre en compte l’optimisation des sites web, de façon « loyale », au moment de leur création afin de les rendre réactifs aux critères de pertinence des moteurs. Et ce chantier là reste, malheureusement, considérable en France...

Mise à jour : cet article semble avoir donné des idées à certains puisque, quelques heures après sa parution, l'IPEA annonçait une "Table Ronde du Search Marketing" le 23 septembre prochain, préalable à la mise en place d'une "nouvelle charte de déontologie du référencement". Affaire à suivre... 

Olivier Andrieu