La semaine dernière, je me suis acharné sur Google en essayant de comprendre quelles pourraient être les causes de sa chute éventuelle. Pas très sympa, j'en conviens, mais j'avais expliqué qu'il ne s'agissait là que d'un exercice de style... 🙂
Pour compenser un peu ce message, je vais revenir (en choisissant un titre de post qui vous révélera quelques-uns de mes goûts musicaux 🙂 ) aux raisons du succès de ce moteur de recherche, car c'est une question qui m'est souvent posée, par des journalistes ou à l'occasion de formations ou de conférences...
Qu'est-ce qui a donc fait que Google en est là aujourd'hui, avec plus de 85% de parts de trafic en Europe et près de 50% aux Etats-Unis. Tentons, encore une fois, de lister les raisons possibles (et probables) d'un tel succès.

- L'époque a joué un grand rôle. Je me souviens qu'au tout début des années 2000, je faisais des formations à la recherche d'informatiopn et les gens utilisaient deux outils : l'annuaire Yahoo! et le moteur de recherche AltaVista. Clairement, ces internautes n'étaient pas satisfaits des résultats qui leur étaient proposés et une véritable attente était évidente, perceptible, pour un "meilleur" outil de recherche. La venue de Google a donc clairement répondu à ces besoins.

- L'orientation "moteur". A cette époque, la maintenance d'un moteur de recherche coûtait très cher et un tel outil était très difficile à rentabiliser. Les liens sponsorisés, bien qu'inventés en 1997 par la société GoTo (qui sera plus connue sous le nom d'Overture un peu plus tard), n'étaient pas encore en vogue et le bandeau publicitaire ne marchait pas. Un moteur représentait un centre de coût et les AltaVista et consorts s'orientaient vers une "portalisation" de leurs activités. Lourde erreur dont peu se relèveront... Google, pour sa part, a pris l'orientation inverse : "on ne fait qu'un moteur de recherche et on le fait bien". Pas de météo, pas d'horoscope, pas de mail (ça viendra plus tard avec Gmail), etc. Un moteur, rien qu'un moteur. Cette orientation a plu à ses utilisateurs car c'est cela que demandaient les internautes à cette époque. A ce niveau, Sergey Brin et Larry Page ont été visionnaires et ont eu le nez creux... Ainsi, ils ont créé une page d'accueil simple (toujours aujourd'hui vierge de publicité), une page de résultats dépouillée présentant les résultats, rien que les résultats. A comparer avec les "arbres de Noël" proposés à l'époque par ses concurrents, il n'y avait pas photo.

- Des investisseurs qui ont, eux aussi, eu le "nez creux". Miser en 1999 sur un moteur de recherche était réellement une gageure, pour les raisons évoquées ci-dessus. Rappelons que le modèle économique de Google, au départ, était la revente de sa technologie à d'autres sites, comme il l'a fait avec Yahoo! hier et AOL aujourd'hui, par exemple. Mais si le moteur n'avait pas obtenu 25 millions de $ de la part de capital-risqueurs qui lui ont permis d'attendre que le modèle économique du lien sponsorisé soit établi, il aurait certainement déjà disparu...

- Les moyens mis en oeuvre et la philosophie interne. Sur de nombreux portails, la fonction "moteur" était mal considérée. On ne gagnait pas d'argent avec ce "truc", c'était parfois considéré comme inutile, ou inefficace, bref, l'image du formulaire de recherche était mauvaise et on "cachait" parfois à moitié celui-ci dans les pages web... Google a clairement annoncé, dès le départ, qu'il voulait créer le meilleur outil de recherche mondial. C'était son objectif principal et il l'a valorisé en embauchant les meilleurs ingénieurs de la place. A cette époque, c'était d'ailleurs plutôt facile car avec l'éclatement de la bulle Internet, beaucoup d'entre eux se retrouvaient sur le carreau... Là encore, le facteur temporel a joué son rôle à plein...

- La pertinence. Google, avec son PageRank (qu'il n'a pas inventé, d'ailleurs, puisque le concept de l'analyse de l'interconnexion des pages web pour amener une meilleure pertinence de résultats était en vogue dans les universités depuis plusieurs années déjà), est l'auteur de la dernière réelle rupture technologique dans le domaine des moteurs de recherche (la folksonomie sera-t-elle la prochaine ?). Il a amené une réelle pertinence supplémentaire aux résultats en tenant compte de la popularité des pages web. Au niveau des utilisateurs, et tel que je l'ai vécu il y a environs cinq ans de cela, c'est vraiment ce facteur qui a fait la différence majeure avec ses concurrents d'alors...

- La rapidité, même si je ne suis pas sûr que ce critère, souvent évoqué, ait été déterminant, car la plupart des moteurs étaient déjà assez rapides à l'époque. Mais il est clair que si Google avait été lent, cela aurait constitué un handicap pour lui... Non seulement il était rapide, mais en plus il affichait un temps de réaction toujours inférieur à 0,5 secondes. Le genre de chose qui marque les esprits...

- La syntaxe par défaut. On a tendance à l'oublier, mais avant Google, la syntaxe par défaut sur les moteurs de recherche équivalait le plus souvent à un "OU" pour un espace. La requête "moteur recherche" était donc synonyme de "moteur OU recherche". Du coup, le "bruit" était très important dans les résultats. Google a été parmi les premiers à imposer le ET pour remplacer l'espace entre deux termes, diminuant ainsi le nombre de résultats mais augmentant fortement la pertinence.

- Une gestion d'entreprise "différente". J'ai rencontré des dizaines de "googlers" (employés de Google) depuis quelques années et aucun ne m'a dit du mal de son entreprise, bien au contraire (et ce, même après la quatrième bouteille, c'est dire...). Sans être un "lit de roses" tous les jours (faut quand même pas rêver...), Google donne réellement l'impression d'une société où il fait bon travailler. Ca compte au moment de garder ses meilleurs éléments...

- La parfaite compréhension du Web. Je suis assez persuadé que Google est l'une des sociétés qui a le mieux compris le Web et les internautes. Qui ont le mieux "capté" le fait que, pour gagner sur ce réseau, il faut passer par ses utilisateurs car ce sont eux qui ont le "pouvoir". Le bouche à oreille a joué à fond dès le départ, alors que dans le même temps, d'autres usaient leurs budgets dans des campagnes publicitaires aussi pharaoniques qu'inefficaces... Ca n'a pas empêché Google de faire des erreurs (mauvais modèle économique de départ, lancement houleux de Gmail, problèmes sur le respect de la vie privée, etc.), mais l'entreprise a su s'en nourrir pour progresser. Quelque part, elle n'a jamais dévié de ses objectifs initiaux, contre vents et marées, ce qui lui a certainement valu cette réputation d'arrogance qu'elle traîne parfois aujourd'hui comme un boulet...

Sur nombre des points évoqués ci-dessus (il existe certainement encore beaucoup de critères qui ont fait le succès de Google, je compte sur vous pour les évoquer dans vos commentaires), certains de ses concurrents pourraient s'inspirer de cette "success story". Tout porte à croire que cela devrait être le cas dans les mois qui viennent... Quant à moi, cela faisait longtemps que je n'avais pas fait un post positif et optimiste sur un moteur, ça repose :-). Allez, promis, la prochaine fois, je parle du côté "lumière" de Yahoo!, MSN, Exalead et les autres ! Y a pas de raisons ! 😉