Aujourd'hui, on vous propose un article un peu particulier puisqu'il est proposé par Loïc Hélias, leader SEO chez Decathlon France, avec plus de 15 ans d’expérience en SEO et acquisition digitale. Spécialiste du e-commerce et des stratégies Data SEO, il a piloté l’acquisition pour des acteurs majeurs comme Decathlon, Qwant, Evolutive Group et Cdiscount. En parallèle Loïc est également enseignant et conférencier.
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La vague de désindexation initiée par Google en 2025 semble avoir secoué bon nombre d’acteurs du web. De la presse spécialisée aux e-commerçants, personne n’est épargné. Comme chaque mise à jour de Google, cette dernière génère tout naturellement son lot de réactions, d’inquiétudes et d’analyses.
Loin de revendiquer une vérité universelle, cet article propose un retour d’expérience vécu et documenté, sur une manière de réagir à une baisse drastique du nombre de pages indexées.
Dans ce tumulte, diriger le SEO d’un site majeur comme Decathlon.fr offre une position privilégiée : non seulement pour observer les effets concrets sur un gros site e-commerce, mais aussi pour comparer ces impacts à ceux relevés sur d’autres sites e-commerce de Decathlon en Europe.
En tant que responsable SEO France, j’ai accès à un panel unique de données issues des principaux sites e-commerce de Decathlon en Europe: Allemagne, Italie, Belgique, Pologne et bien d’autres pays. Cet observatoire privilégié est un atout pour valider, affiner, voire questionner nos orientations stratégiques.
Focus sur notre organisation SEO
Nous sommes organisés de la manière suivante : chaque pays à son équipe SEO en charge des optimisations comme le contenu, les arborescences, l’architecture et la structure des pages.
Chez Decathlon, il y a un principe de base : c’est l’équipe la plus proche de l’action qui prend les décisions, et ce, à tous les niveaux de l’entreprise.
Côté équipes techniques, nous avons également une équipe composée d’experts SEO en charge d’animer la roadmap produit SEO. Ce sont nos interlocuteurs sur la majorité des sujets techniques.
L’observatoire multi-pays : un atout pour comprendre l’impact français
Se limiter à l’analyse d’un seul marché, aussi stratégique soit-il, c’est risquer de sur-interpréter des signaux qui, parfois, relèvent simplement de dynamiques globales. Disposer d’un accès aux données des principaux sites e-commerce de Decathlon s’est avéré précieux quand la vague de désindexation a frappé il y a quelques semaines.
Dès les premières alertes signalant des baisses brutales du nombre de pages indexées dans Search Console, la tentation aurait pu être de paniquer ou de voir dans chaque fluctuation une remise en question de notre stratégie SEO en France.
En réalité, la comparaison internationale a rapidement mis les choses en perspective. À travers les échanges avec mes homologues, j’ai constaté que tous les sites, indépendamment de leur taille ou de leur historique SEO, voyaient le nombre de pages indexées dégringoler.
L’analyse fine des chiffres a permis de relativiser l’effet sur notre marché : nulle trace de dégringolade des impressions, des clics ou du ranking sur Decathlon.fr comme ailleurs. Le trafic reste stable, voire en légère hausse conformément aux tendances saisonnières.
Ce panorama multi-pays a servi de balise pour questionner, sans présomption, nos propres choix. Avions-nous, nous aussi, perdu beaucoup de « vraies » pages (utiles, actives) ? Non.
Les analyses croisées ont démontré une convergence : partout, ce sont les contenus anciens, peu performants, voire historiquement bloqués en robots.txt, qui disparaissent, tandis que les pages de valeur restent bien présentes. Prendre du recul grâce à cette richesse de données nous a évité des réactions épidermiques et conforté dans l’idée que la stratégie française, bien qu’imparfaite, semble sur la bonne voie.
Dans les coulisses de notre analyse : méthodes et outils Decathlon France
Face à l’ampleur du mouvement, la réaction interne ne s’est pas faite dans la précipitation. Notre premier réflexe a été de poser un diagnostic solide, à partir de critères concrets. La Search Console de Google, bien sûr, s’est imposée comme la pierre angulaire de notre monitoring. Deux sections ont concentré l’attention : l’évolution du nombre de pages indexées (Index Coverage) et les métriques de performance (impressions, clics, positions moyennes) ventilées par type de page, par catégorie et par ancienneté.
Très vite, un schéma s’est dégagé. Les URLs désindexées sont pour l’écrasante majorité des pages qui, de longue date, n’enregistrent plus aucun clic ni impression. Beaucoup d’entre elles sont même explicitement interdites au crawl via robots.txt, preuve que Google a de plus en plus tendance à « nettoyer » l’index au-delà du simple respect des consignes de crawl.
Par ailleurs, l’examen du sitemap a révélé que seules les pages stratégiques ou les véritables « hubs » de conversion restaient conservées en index. Le drop d’indexation concerne essentiellement des pages découvertes uniquement au crawl.
C’est aussi là qu’avoir plusieurs sitemap organisés par template de page prend tout son sens. Structurer les sitemaps permet ainsi de suivre plus facilement l’état d’indexation des pages clés (fiches produits, guides, catégories…) et d’identifier rapidement si un modèle particulier est touché par une désindexation.
Au-delà des mises à jour Google, cela s’avère aussi une bonne pratique pour surveiller la bonne santé technique du site et localiser rapidement les éventuels problèmes d’indexation.
Règles techniques de base pour le sitemap :
- Les URLs doivent répondre en code 200 (pas de redirections 301/302)*
- Les URLs ne doivent pas être bloquées dans le robots.txt
- Les URLs ne doivent pas être en noindex
- Les URLs ne doivent pas avoir de balise canonical pointant vers une autre URL (self-canonique ok)
- Le sitemap doit être renseigné dans robots.txt et Google Search Console
Bonnes pratiques supplémentaires :
Structure et format
- Respecter la limite de 50 000 URLs par sitemap
- Maintenir une taille maximale de 50 MB non compressé
- Utiliser plusieurs sitemaps avec un index sitemap, c’est même recommandé pour pouvoir réaliser des analyses dans la GSC (un sitemap par type de page)
- Encoder le fichier en UTF-8
Qualité du contenu
- Inclure uniquement les pages importantes et de qualité
- Prioriser les pages avec du contenu unique et utile
- Exclure les pages dupliquées ou quasi-dupliquées
- Ne pas inclure les pages de faible valeur (pages d'erreur, pages de remerciement, etc.)
Maintenance
- Mettre à jour régulièrement le sitemap
- Surveiller les erreurs dans Google Search Console
- Vérifier périodiquement que toutes les URLs sont accessibles
- Supprimer les URLs obsolètes ou supprimées
*Dans le cas d’une migration, il peut être intéressant de générer un sitemap dédié aux url migrées pour accélérer la prise en compte des redirections (xml ou html)
Keep calm and monitor : entre prudence et optimisation
L’enjeu ? Ne surtout pas surréagir : pas de purge massive, pas de refonte forcée, pas de chasse aux fantômes là où les indicateurs clés (trafic, conversion, performances transactionnelles) restent verts.
Quand des « signaux faibles » sont détectés comme une chute anormale d’une typologie de page stratégique, apparition de warnings dans le crawl, alertes sur nos sondes SEO, notre réaction combinée en local mais aussi avec les équipes techniques garantit une analyse en profondeur, jamais une décision impulsive.
Nous avons également renforcé au fil du temps nos processus de diffusion d’alertes et de priorisation : la visibilité SEO est partagée au niveau Commerce, Marketing, mais aussi équipes IT. L’objectif étant de décloisonner la donnée et d’éviter tout effet tunnel.
Vivre la désindexation depuis l’intérieur d’une grande marque comme Decathlon France prouve l’importance d’une approche rationnelle : diagnostic précis, prise de recul comparative, agilité dans les réponses mais constance dans la vision éditoriale. Ce retour d’expérience confirme que le qualitatif reste la meilleure assurance-vie en SEO.
Quel que soit votre secteur, l’important reste d’observer, d’analyser sans relâche, de prioriser la valeur réelle pour l’utilisateur et de garder la tête froide, même quand la tempête fait rage à l’extérieur. C’est dans la mesure, la méthode, et le souci de l’utilisateur qu’on construit une stratégie SEO durable.
Remerciements
Je tiens à remercier l’ensemble de mes collègues SEO des différents pays Decathlon pour le partage de leurs données, qui a rendu possible cette analyse. Une mention spéciale à Garry Leplat pour son soutien dans la relecture et le formatage de cet article.