Loin des clichés et des grosses ambitions initiales, le succès de la chaîne Talk My Football s’est construit sur une approche pragmatique. Avec Mickaël, créateur d’une chaîne YouTube comptant plus de 224 000 abonnés, nous avons décortiqué les stratégies de diversification, les secrets d'un bon angle éditorial, l'importance du Time to Market et le rôle crucial de l'incarnation dans la création de contenu !
Stratégie multi-canal : ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier
Dès le départ, Mickaël a appliqué la règle de diversification, en évitant de mettre tous ses œufs dans le même panier. Lorsqu'il s'est lancé à 100 % dans YouTube, il a veillé à ne pas être dépendant de la plateforme, ce qui a nécessité une planification de contenu exportable vers d'autres canaux comme TikTok, qui a d'ailleurs récemment franchi la barre des 200 millions d'utilisateurs en Europe.
L’approche n’a pas été d’adapter a posteriori, mais de concevoir le contenu pour qu'il soit facilement déclinable. Pour sa chaîne secondaire, l’objectif était de créer un format journalier de cinq actualités courtes.
L'avantage ?
« Ça me permet d'avoir un contenu qui, à la base, est pensé pour être découpé. Donc ça se fait hyper naturellement avec de la pertinence éditoriale et ça me permet de rentabiliser le temps que je passe sur cette chaîne secondaire. »
Cette stratégie d’anticipation permet de répondre à la question de l'adaptation des formats dès leur conception.
Ligne éditoriale : l'opinion comme axe de différenciation
Mickaël distingue clairement sa chaîne principale (analyse de fond sur 10 à 30 minutes) de sa chaîne secondaire (format journal/info brute). Mais quel que soit le format, l'ingrédient principal qui attire l'audience n'est pas l'information brute (pour laquelle on préfère L'Équipe, par exemple). La vraie plus-value réside dans l'opinion et l'angle critique.
« Ils viennent chercher une opinion (...) Ce qui va être intéressant, c'est plus l'angle différent que je vais pouvoir apporter sur l'information, la petite blague, le petit aspect critique. »
Milieu clivant par définition, le football est un sujet qui génère un fort engagement. Le défi éditorial est de trouver l'équilibre entre la régularité et le renouvellement pour éviter la lassitude. Bien que Mickaël aimerait explorer des formats très longs (similaires à des podcasts de 1h30 ou 2h), il est aujourd'hui limité par ses contraintes de productivité. Il rappelle d'ailleurs qu'il est inutile de s'étaler sur un sujet peu dense :
« Ça ne sert à rien d’étaler le peu de confiture que tu as sur une tartine trop grande. Au contraire, il faut être pertinent. »
Les clés de l'algorithme : Time to Market, angle et A/B Testing
Pour percer sur YouTube, Mickaël insiste sur des facteurs décisifs allant au-delà du SEO classique ou de la description.
Le Time to Market : L'opportunité des transferts
Selon Mickaël, le Time to Market est particulièrement important. Contrairement à ce que l'on pourrait croire de prime, la période estivale, sans match, est cruciale en raison du marché des transferts (mercato). Les supporters veulent s'informer sur les nouvelles recrues qu'ils n'ont jamais vues jouer.
Mickaël révèle son secret pour garantir le bon timing : il utilise les informations qu'il reçoit en amont pour commencer son travail d'analyse (scouting) avant que la nouvelle ne sorte dans la presse.
« Le fait d'avoir la primeur de info, ça me permet de commencer mon travail de scouting, de renseignement sur le joueur avant et d'avoir la vidéo au bon Time to Market. »
L'angle et le titre
L'angle du contenu est primordial, et doit se refléter dans le titre et la miniature. Un même sujet peut être traité sous cinq angles différents, et certains marcheront tandis que d'autres échoueront. L’objectif est d’avoir une promesse dans le titre, un « truc » qui intrigue.
Mickaël utilise l'exemple d'un transfert : on peut se concentrer sur le prix du joueur, les besoins du club ou le niveau absolu du joueur.
Il faut aussi savoir jouer avec les codes sans être trompeur. Il distingue clairement l'« attrape-clic » du « contenu trompeur ». En créant un titre un peu provocateur, l'objectif est d'intriguer, puis d'apaiser l'audience avec un contenu qualitatif, comme il l'a fait sur une analyse du joueur Hakimi.
« J'aime bien cette nuance entre attrape-clic et contenu trompeur. Ça peut être « attrape clic » sans être trompeur. »
L'A/B Testing et le Watch Time
Mickaël utilise systématiquement l'A/B testing des vignettes (jusqu'à trois versions) pour tester différents angles, jeux de couleur ou approche textuelle. Cela lui permet de voir quel angle est le plus efficace.
Au final, la métrique essentielle reste le Watch Time (durée de visionnage). Pour YouTube, le Watch Time est roi, car la plateforme veut « faire rester les gens sur les vidéos ».
« La vérité c'est que le Watch Time est roi. (...) Si ta vidéo elle génère beaucoup de clics, lais qu'au bout de 50 secondes, la personne ferme la vidéo ou quitte le site, YouTube va lui mettre un gros taquet. »
En complément, YouTube Liaison nous donnait l'année dernière des précisions sur comment plaire à l'algorithme de YouTube !
Professionnalisation et régularité : la puissance du rendez-vous
Mickaël a fait la transition d'un poste de codirigeant en agence de web marketing à créateur de contenu à temps plein de manière progressive (70 %, puis 50 %). Le basculement à 100 % n'a pas été uniquement motivé par le revenu, mais par des envies éditoriales, notamment le lancement de son format journal.
Il souligne la force de l'habitude dans la création de contenu :
« Avec le format journal, j'ai eu la volonté de créer un rendez-vous. Et je pense que la forme de l'habitude, du rendez-vous (…), au moins avoir la certitude que tu trouves un truc qui a une valeur sûre, ça a une valeur qui est absolument immense. »
La régularité (chaîne principale : tous les jours 17h ; chaîne secondaire/journal : tous les jours midi) offre un cadre de travail sain face à la solitude du métier de créateur, et évite le syndrome de la page blanche.
KPIs et monétisation : les vues, pas les abonnés
Lorsqu'il s'agit d'évaluer la performance d'une vidéo ou d'un mois, Mickaël regarde les vues, qui représentent le KPI principal.
« Tout découle du nombre de vues. Les abonnés sur YouTube, on en fait une tonne, c'est souvent un indicateur, mais on s'en fiche des abonnés. Un abonné c'est un facilitateur de vues. »
Le nombre d'abonnés est un indicateur peu pertinent, surtout pour les annonceurs à la recherche de partenariats. Ce qui compte, c'est la régularité du nombre de vues. Mickaël suggère même d'acheter des partenariats sur la base d'un minimum de vues garanties (coût par mille) plutôt que sur le nombre de vidéos ou d'abonnés.
De plus, l'intérêt de la vidéo n'est pas toujours la monétisation directe. Le contenu, surtout long, peut servir de canal d'acquisition et de stratégie d'Inbound Marketing pour un business annexe (formation, coaching, expertise).
L'impératif de l'incarnation face à l'IA
Face à l'évolution rapide de l'IA, l'incarnation (ou personal branding) est vue comme la plus grande plus-value que les créateurs et même les entreprises peuvent apporter.
« Pour moi, tu as une plus-value qui est massive ; c'est l'incarnation et le personnel branding. »
Se montrer permet de créer un lien de confiance, d'asseoir son expertise et de fidéliser l'audience, un peu comme l'effet positif que génère un conférencier apprécié. C'est la raison pour laquelle faire apparaître son visage sur les vignettes est particulière important.
Mickaël est très prudent quant à l'utilisation de l'IA dans son processus de production. Bien que l'IA pourrait faire gagner du temps sur certains aspects, le risque d'erreurs (surtout pour des statistiques précises de joueurs) est trop élevé, et les IA génératives ont du mal à admettre qu'elles ne savent pas. Il existe par ailleurs une forte levée de bouclier de la communauté contre l'utilisation visible de l'IA dans la production vidéo.
Concernant la production technique, Mickaël conseille de ne pas se mettre de freins avec un matériel parfait. Si un bon téléphone suffit généralement à assurer une bonne qualité vidéo, l'audio reste plus important. L'essentiel est de se lancer, de faire des erreurs, de tester et d'apprendre, en utilisant si besoin des logiciels de montage accessibles ou déjà présents dans la suite Adobe. Enfin, Mickaël encourage à tester en interne pour obtenir des retours éditoriaux et techniques avant la publication officielle.